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Disparition et Renaissance du Diplomatique

Avertissement

Quand on évolue dans le domaine des sciences humaines, depuis quelques décennies déjà, on sait pertinemment qu’il doit toujours exister, dans l’utilisation des recherches effectuées par les membres actifs de la communauté intellectuelle, une attitude éthique très marquée. En effet les différents documents que nous acceptons de diffuser sur diverses plateformes se voient malheureusement exposés aux manipulations les plus diverses, mais pas nécessairement les plus nobles : c’est pourquoi il nous apparaît nécessaire de rappeler aux utilisateurs potentiels de mes documents et recherches (ouvrages, articles, recherches disciplinaires, réflexions, essais, etc.) de faire part d’une véritable exigence morale dans l’utilisation de ces documents, quelle que soit par ailleurs le cadre formel ou non dans lequel sont effectivement utilisés ces documents. La personne qui utilise de tels documents doit absolument respecter les droits d’auteur, citer ses sources lorsque nécessaire, éviter le plagiat et ne jamais déformer le sens ni l’essence des écrits référés. Un droit de référer qui, toujours, devra se faire avec respect, discernement, intégrité et diligence.

 
 

 

 

Dans un article précédent, nous avons montré l’élasticité presque infinie du Diplomatique – nous avons démontré jusqu’à quel point l’Être du Diplomatique savait s’assimiler une part importante des liens relationnels pouvant se tisser entre États, Pays, Nations, Complexes Institutionnels, Organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, etc. Cela demeure absolument vrai dans l’ordre général du Principe Immanent de Réalité qu’a engendré la modernité occidentale – principe de réalité séculier qui s’est peu à peu imposé et ce, de manière écrasante, sur toute la surface du globe. Il n’existe de fait plus beaucoup de peuples et de cultures qui échappent au principe séculier de réalité se déployant de manière irrésistible sur les cinq continents.

Toutefois et en quelque sorte se superposant de plus en plus au principe immanent de réalité (principe de réalité politique, économique, sociologique, psychologique, etc.) … a graduellement émergé dans les zones les plus immergées de la postmodernité occidentale une sorte de Principe Super Séculier d’Hyper Réalité mondiale. Or ce nouveau principe de réalité – super séculier hyper réel, ne relève plus des mêmes fondations que l’ancien principe séculier de réalité, ne répond pas des mêmes dynamiques, ne s’aligne pas sur les mêmes principes et ne s’organise pas autour des mêmes axiomes et postulats.

Ce nouveau principe super séculier d’hyper réalité auquel nous référons ici, tentons quelque peu de le définir : ce principe inédit d’hyper réalité représente cette synthèse continuelle entre le monde des images et le monde «réel» ; ce principe inédit représente cette dissolution définitive de l’ancien principe de réalité au cœur d’un Méta Réel (Virtuel)où le Réel/Séculier ne peut plus prétendre se situer à la source des choses et des phénomènes visibles et perceptibles ; ce principe inédit représente un monde où les modèles précèdent la réalité (classique), où l’image de synthèse précède l’image traditionnelle extraite du réel, où les Codes culturels et les Schèmes symboliques dominants s’imposent avec d’autant plus de virulence qu’ils ont perdu leur transcendance et leur référentiel ; ce principe inédit représente un monde où les essences se sont ou bien diluées ou bien se sont résorbées dans des phénomènes immanents (apparences) ; ce principe inédit représente un monde où …

       Dans ce nouveau principe super séculier d’hyper réalité, la politique entre les États et les Nations a perdu beaucoup de consistance/prégnance ontologique – ce qui altère profondément la nature intime du Diplomatique. Tant que nous demeurions en effet dans l’espace disons Classique de la réalité politique, les essences et les apparences du Diplomatique se confondaient dans une espèce de «fluide magnétique universel» dans lequel baignait et qui innervait la totalité des actions, relations et initiatives diplomatiques engendrés dans cet univers de référence. Enchâssé à l’intérieur des complexes étatiques, des organismes internationaux, des socles culturels communs partagés, des dynamiques régionales données, des formes conflictuelles émergentes, des stratégies gouvernementales déployées et des vecteurs de force qui le constituaient en propre … le Diplomatique se présentait comme un gigantesque faisceau d’énergie politico-transfusionnelle (fluide magnétique universel) capable d’influer sur le sort des relations entre Nations et États, capable d’améliorer les relations entre États, capable de réguler les  relations entre États, capable de résoudre les différends entre États, capable de renforcer la coopération entre États, capable de cimenter les liens entre Nations et États, capable de créer et de faire naître de nouveaux imaginaires entre des consciences hier encore si fermées les unes aux autres, capable de faire tomber les frontières entre des groupements nationaux enfermés dans des frontières nationales hier encore si étanches …

Car le principe classique de réalité politique était encore alimenté par des essences métapsychiques, par des forces métaphysiques et une consistance ontologique – il était encore doté d’une substantialité séminale et d’une séminalité substantielle lui conférant une nature singulière et qui représentait cette sorte de fluide magnétique universel ou encore de faisceau énergétique politico-transfusionnel auquel nous faisions référence tout à l’heure. L’espace/temps spécifique du Diplomatique s’inscrivait donc dans un principe de réalité qui lui donnait sa couleur particulière, sa teneur spécifique et sa consistance propre : une substantialité séminale qui lui conférait également une prégnance contraignante sur le réel politique ainsi qu’une puissance infuse d’intervention sur le réel politique émané.

Or cet opaque faisceau d’énergie politico-transfusionnelle s’étant peu à peu évaporé au fil de la genèse du nouveau principe super séculier d’hyper réalité, c’est toute la prégnance métaphysique et la puissance d’intervention incarnée du Diplomatique qui se trouve sérieusement diminuées : transformation décisive dans la nature intime du principe de réalité qui altère définitivement la nature singulière du Diplomatique et son pouvoir d’absorption et d’assimilation du réel ambiant. Dans ce nouveau principe super séculier d’hyper réalité, le Diplomatique s’enfonce dans une sorte de dépressurisation, de dissolution et de désubstantialisation de l’épaisse nébuleuse ontologique qui lui conférait jadis sa «grippe» déterminante sur les évènements réels (classique). Et même si le jeu des «apparences» se fait de plus en plus dense et ostentatoire, sa puissance d’inflexion des phénomènes hyper réels qui lui sont désormais consubstantiels s’est considérablement amenuisée : il n’a plus la même prégnance constitutive sur le réel en construction qu’il participe pourtant de construire inlassablement. 

On va nous rétorquer que jamais comme aujourd’hui a-t-on vu autant d’initiatives diplomatiques se déployer dans le monde et ce, sur tous les terrains imaginables, autour des conflits les plus divers, entre tant d’acteurs impliqués, etc. Certes mais la consistance onto-densitaire du Diplomatique et de toutes les initiatives diplomatiques engagées a changé de nature : les interventions d’hier se situaient dans un système de référence substantiel, chargé d’essences – soit un système international où tous les Etats étaient liés par ce faisceau énergétique transfusionnel constitutif de la substance du monde alors que les interventions d’aujourd’hui se situent dans un système de référence néantisé, délié et vidé de sa substance propre – un système de référence où les Etats membres de la communauté internationale ne s’alignent plus et ne s’organisent plus autour des mêmes processus fondateurs et constitutifs qu’auparavant.

Et c’est justement parce que le système de référence fondamental a complètement changé de «consistance métaphysique» que les initiatives diplomatiques deviennent de plus en plus nécessaires et impérieuses : il faut tenter désormais de sauver ce qui peut encore l’être dans un monde décadent en décomposition avancée et en perte définitive d’essences séminales intégrées. Car, il faut toujours faire attention avec les apparences : nous savions le Diplomatique capable de s’assimiler des pans entiers du réel relationnel entre Peuples et Nations mais les innombrables initiatives actuelles masquent le fait que ces mêmes initiatives ne parviennent plus à engendrer de l’Être en peuples et nations. La diplomatie se déploie avec d’autant plus d’assiduité que ses multiples interventions ne parviennent plus à produire des liens essentiels et à générer des rapprochements onto-hiératiques substantiels entre peuples et nations : les faisceaux du diplomatique  ne  mordent plus sur le réel, ils n’agrègent plus et ne collent plus entre eux les peuples et les nations – des peuples et des nations dépourvues d’essences séminales et évoluant désormais dans un monde où ne circule plus le fluide magnétique universel d’antan.

Tout se passe en effet comme si, dans le nouveau principe super séculier d’hyper réalité en train de se cristalliser, l’Esprit fusionnel du Diplomatique s’était retiré au profit d’une hyper communication fonctionnelle entre instances et consciences enchâssées : non seulement «l’esprit» au sens de l’esprit des lois, mais également «l’Esprit» au sens des forces invisibles et immatérielles qui soudaient naguère ensemble des entités étatiques même éloignées les unes des autres. Les équipes d’intervention, les groupes de contact, les envois d’ambassadeurs, les représentations d’émissaires ainsi que les initiatives ciblées et renforcées par toute la prestance des institutions internationales auxquelles nous assistons si souvent depuis des années ne sont que la marque symptomatique d’une systématique diplomatique internationale ayant pour l’essentiel perdu sa puissance d’intégration onto-psychique et sa prégnance métaphysique sur le réel.

Dans un monde qui n’est plus gouverné que par les intérêts des Etats, des firmes et des particuliers, dans un monde qui n’est plus gouverné que par les ambitions et les rivalités entre toutes les instances instituées et existantes, dans un monde qui n’est plus régie que par les rapports de pouvoir et de force entre les entités et les acteurs … le Diplomatique n’est plus qu’un Résiduel froid ou encore une Forme asséchée et sans âme qui croule sous l’empire de la nécessité : nécessité de survivre, nécessité de cohabiter, nécessité d’échanger, etc. Tout ce qui faisait le charme discret du Diplomatique a perdu ses allures débonnaires de Belle Époque pour revêtir les traits dégénérés d’une esthétique mortifère et nihiliste de fin du monde.

Le Diplomatique de l’hyper réalité a perdu sa puissance métaphysique à engendrer des mondes liés par des conventions lourdement ancrées dans les cultures, par des contrats sociaux lourdement incrustées dans les mœurs et les croyances, par des reconnaissances réciproques lourdement enchâssées dans les us et coutumes … Le Diplomatique de l’hyper réalité ne parvient que péniblement à faire communiquer des univers politiques difficilement compatibles, ne parvient que péniblement à faire converger des intérêts contradictoires et divergents, ne parvient que péniblement à faire se rapprocher des points de vue et des perspectives irréconciliables, ne parvient que péniblement à s’enquérir d’une ascendance spirituelle conséquence capable d’infléchir structurellement les visions et visées des acteurs engagés …

Le Diplomatique d’aujourd’hui se présente en effet comme un «simulacre» de diplomatie : tout comme on aime bien parle d’un simulacre de démocratie lorsqu’on se prononce sur les élections survenues dans les territoires ukrainiens annexées par la Russie ou encore quelque scrutin fantoche mis en œuvre dans des pays africains gouvernés par des juntes militaires … il faut aussi parler de «simulacre» lorsqu’on réfléchit sur la consistance métaphysique réelle du Diplomatique actuel. La fibre ontogénétique conséquente qui assurait jadis au Diplomatique un pouvoir consubstantiel d’intervention, de création et de construction du réel s’étant dissoute et dissipée au fil des décennies, le Diplomatique actuel ne parvient plus à engendrer du Réel Amélioré et Bonifié comme jadis : il est condamné à multiplier les initiatives stériles, à surutiliser des moyens de communication et d’information implacablement soumis au principe d’incertitude,  à tenter désespérément de recréer des liens transfusionnels là où n’existent plus que des liens signalétiques et opérationnels …  

Parce qu’il s’avérait capable, auparavant, de contrôler et de canaliser les passions des individus et des groupes nationaux, parce qu’il était habileté à «aspirer» les consciences dans des montages nationaux et transnationaux, parce qu’il s’avérait apte à engendrer des faisceaux métaphysiques agrégateurs de forces, de lignes et d’idéogrammes politiques peu compatibles, parce qu’il se présentait comme compétent lorsque question d’infléchir vers des idéaux et des objectifs communs des peuples et des gouvernants versés dans des idéologies divergentes et même conflictuelles, parce qu’il réussissait à construire des liens culturels forts et à produire des filiations symboliques stables et durables entre États et Nations … le Diplomatique de la modernité classique participait directement à bonifier/condenser la coopération entre les Etats ainsi qu’à faire évoluer l’humanité vers plus de paix et d’harmonie.

Mais cet «âge d’or» du Diplomatique  est une ère  en substance révolue. Nos initiatives diplomatiques ne sont plus déterminantes sur l’évolution historique du monde : elles sont devenues des composantes techniques et opérationnelles, intégrées dans les dispositifs internationaux multidimensionnels actuels, et qui n’ont comme finalité que de recouvrir d’un vernis sémiotique, communicationnel et idéologique le nouveau paradigme sécuritaire qui gouverne notre monde. Le Diplomatique a perdu son âme, sa substance et son autonomie – il n’est plus qu’un complément décoratif et théâtral destiné à masquer la profonde dégradation ontologique dont souffre notre système international et dont on ne voit guère comment il pourrait s’améliorer dans un avenir anticipable et envisageable.

Le nouveau «paradigme sécuritaire» est la contrepartie obligée, au niveau des dispositifs universels de conservation de la paix et de résolution des conflits, de l’évolution actuelle du monde / un monde dans lequel tout peut exploser comme imploser à tout moment. Jamais comme auparavant n’a-t-on vécu dans un monde gouverné par la puissance brute des Etats, par la possession des systèmes d’armement les plus avancés, par l’appropriation des matières premières stratégiques, par le contrôle de l’argent, des institutions financières et des circuits financiers, par la mainmise sur les innovations techno-scientifiques de dernière génération ; un monde entièrement gouverné par la force, les rapports de force et de pouvoir à tous les niveaux. Il n’y a pas si longtemps déjà, les traits, les  traditions culturelles des peuples et nations, les visées/ visions transmises et héritées des choses, les traités, les  conventions acceptées  reconnues entre pays et nations;  même les grandes idéologies politiques fondatrices (marxisme, libéralisme, etc.) nous ont protégées du fait de vivre dans un univers (froid) où les Etats et les hommes se retrouvaient, comme maintenant, seuls face à leur violence, seuls face à leur folie meurtrière, seuls face à leur volonté d’expansion et de conquête, seuls face à leur égoïsme des passions, seuls face à leur puissance destructrice, seuls face à leur néant existentiel …

Le projet Manhattan, si l’on veut bien se donner un point de repère historique, représente ce moment fondateur où l’équation de la puissance universelle a trouvé sa résolution naturelle,  l’intégration définitive au service de la puissance de l’homme des trois composantes essentielles de la puissance – l’Etat, la prospérité/puissance économique et la technologie. En concentrant dans un même espace/temps Complexe Etatique (avec tous les dispositifs disponibles), Crédits Économiques illimités (puissance économique) et Compétences Techno-scientifiques absolues (les meilleurs cerveaux et les meilleurs systèmes disponibles), le projet de fabrication de la bombe atomique  a non seulement permis à l’Amérique de s’imposer comme première puissance mondiale, mais également de fournir à l’humanité le modèle intégré de la puissance impériale pour des décennies.

Le cas de la France, à cet égard, est exemplaire de la marche à suivre pour un pays résolu à acquérir cette puissance absolue intégrée dont les Etats-Unis avaient déjà fourni le modèle  enraciner au cœur de l’Etat la force de frappe nucléaire apte à garantir sa sécurité – ne fusse qu’en dissuadant tout adversaire de vous agresser. Mais le plus difficile, disait De Gaule, est de «posséder la puissance économique nécessaire, dans tous les domaines industriels stratégiques,   afin de garantir son autonomie nucléaire potentielle». Depuis, la France a su former les cerveaux nécessaires tout en s’assurant d’une maîtrise suffisante des filières industrielles stratégiques afin de garantir son autonomie de défense qu’elle que soit par ailleurs l’ennemi désigné. Entre temps, Israël avait parfaitement intégré les leçons qu’il fallait tirer de l’aventure américaine depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ainsi que la Corée du Nord (à sa façon !)

Aujourd’hui nous évoluons dans un monde où ce «secret» de la puissance absolue non seulement a été mis en pratique par plusieurs Etats (Inde, Pakistan) mais s’agissant désormais d’une formule librement revendiqué par de multiples Etats de puissance intermédiaire  L’Iran, la Turquie et bientôt d’autres Etats vont revendiquer pour eux-mêmes l’impératif d’accéder à l’arme atomique ainsi qu’à un degré extrême de potentialisation des systèmes d’armement les plus sophistiqués. La maîtrise de l’arme atomique est devenue un enjeu fondamental car plus personne ne croît réellement en la Diplomatie ou l’Amitié (entre Nations) pour assurer sa sécurité ultime   notre monde n’a qu’une seule croyance et cette croyance est inébranlable. Il n’est plus qu’une seule forme de dialogue entre Etats et c’est la virulence réelle de vos systèmes d’armement ; il n’est plus qu’une seule forme de diplomatie entre Etats et elle est dictée par la puissance de vos missiles ; il n’est plus qu’une seule forme de négociation entre Etats et elle est commandée par la capacité destructrice de vos sous-marins nucléaires.

Mais ce modèle absolu de la puissance de feu acquise a évolué avec l’entrée en scène de la Chine comme super puissance économique, technologique et maintenant culturelle ; la Chine commence désormais à exporter (imposer) sur toute la planète le Super Modèle Intégral de la Toute Puissance Impériale. Elle est peu à peu en train de prendre la place qu’a joué les Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale – s’agissant toutefois d’un modèle d’autant plus hégémonique et déterminant que les fondations sociologiques, politiques, économiques et technologiques de ce modèle se sont transformées et solidifiées depuis la dernière section du 20’ siècle : les outils et instruments de la domination chinoise d’aujourd’hui sont autrement plus puissants, plus affinés et plus performants que ceux hier encore déployées par les Etats-Unis sur une échelle déjà planétaire. Les actions et interventions actuelles de la Chine participent activement à engendrer et ce, quelque soit le degré de conscience exact des dirigeants chinois à cet égard, le principe Super Séculier d’Hyper Réalité dont nous parlions auparavant.

N’oublions pas que l’homme se retrouve désormais seul face à sa propre violence destructrice, les actions régulières de la Corée du Nord envers le Japon et la Corée du sud, les menaces d’Israël envers le régime iranien par exemple, Le pouvoir de la Russie de s’imposer un tant que soit peu face à l’occident et l’Ukraine, les menaces chinoises à l’endroit de Taïwan mais plus généralement parlant les velléités agressives d’expansion de la Chine, les initiatives turques d’élargir sa zone politique et culturelle d’influence, les missions soit disant de paix à la Barkane servant à camoufler les désirs des anciennes puissances coloniales de conserver leur position menacée dans le monde … la liste serait trop longue à dicter … autant de preuves d’un monde en voie de déperdition avancée et qui ne sait plus négocier la paix que sur la base des rapports de force existants qui se cachent.

Mais il y a d’autres symptômes qui accompagnent la dégradation métaphysique intense qui caractérise aujourd’hui le système politique et diplomatique international,  il y a le fait de ces conflits qui ne trouvent plus à se résoudre même dans le temps long (palestiniens), de ces guerres civiles latentes qui ne s’actualisent qu’en partie mais demeurent toujours prêtes à exploser comme les volcans dans l’état actuel de la terre, de ces Etats qui ont largement implosés et qui ne savent plus s’ils doivent continuer à exister (souvent obligé de continuer à se construire via les pressions du système international), de ces missions multidimensionnelles dont on ne comprend plus exactement les tenants et les aboutissants (comme les missions pacificatrices de certains pays africains dans d’autres pays africains ou encore le fait de forces internationales/multinationales d’interposition dont on comprend mal la composition et les modalités d’intervention), de ces missions d’intervention qui ne possèdent pas les moyens nécessaires et qui se retrouvent à jouer des rôles plutôt symboliques … en apparence du travail à l’infini pour le Diplomatique mais dans les faits une implosion métaphysique du Diplomatique Classique dans un vaste dispositif mondial de sécurité au sein duquel le Diplomatique classique n’est plus que la trame narrative superficielle et l’opérateur communicationnel de médiation d’une gigantesque régression ontogénétique et d’une implacable dissolution en abyme du système mondial actuel.

Le bateau du Diplomatique coule de partout , dans sa dimension «invisible et métaphysique» il implose dangereusement relativement à l’avancée formidable de la sécularisation du monde – véritable chute accélérée de toutes les cultures du monde dans l’espace-temps livide et transparent de l’immanence-séculière ; dans sa dimension «réaliste, incarnée et positive» il explose sous la pression délétère du développement intégral, de la puissance technique démesurée, de l’omnipuissance implacable de l’argent et du poids excessif des Etats régaliens ; dans sa dimension «systémique et systémique» il voit sa consistance se dissoudre devant le triomphe arrogant et généralisé de la mondialisation/globalisation – qui s’assimile sa substance et vide le Diplomatique de toute ipséité déterminante , dans sa dimension «classique» (le Diplomatique commence là où s’arrête la violence directe) le Diplomatique se brise et s’évapore sous la pression dissolvante du Dispositif Sécuritaire Universel.

Dans un premier temps et dans sa dimension métaphysique et invisible, le Diplomatique subit de plein fouet les contrecoups d’un monde en instance de sécularisation avancée. Tout phénomène, à chaque nouveau degré de plongée dans l’immanence-séculière, se transforme et subit des mutations d’espèce sur lesquelles il n’a aucune prise; dans un monde qui se vide de sa substance sacrée, le Diplomatique voit son épaisseur ontologique se restreindre considérablement. La capacité et le pouvoir d’intervention du Diplomatique tenait dans le fait qu’il s’inscrivait dans un monde plus plein, un monde relativement chargé d’essences séminales – et c’est au travers et par l’intermédiaire de cette fibre ontogénétique invisible que le Diplomatique faisait sentir ses effets positifs et constructifs sur le réel. Mais l’essence de la modernité à laquelle nous référons ici et sur laquelle savait opérer le Diplomatique n’existe plus,  comme le monde dans lequel il faisait sentir ses effets, le Diplomatique ne parvient plus à tisser des liens organiques entre les entités qu’il parvenait hier encore à rapprocher/agréger. Il peut bien multiplier les initiatives, la glue invisible qu’il emportait s’est asséchée et ne parvient plus à coller ensemble les entités sur lesquelles on l’applique.

Dans un deuxième temps et dans sa dimension réaliste, incarnée et positive, le Diplomatique explose littéralement sous la pression démoniaque que lui fait subir la schématique indiscutable du développement intégral, la puissance technique démesurée disponible, l’omnipuissance implacable de l’argent et le poids excessif des gigantesques Etats régaliens. Toutes ces grandes composantes irrépressibles constitutives du monde dans lequel nous évoluons exercent sur le Diplomatique une pression régressive incoercible, la présence massive et les actions décisives de toutes ces instances déterminantes amenuisent structurellement le pouvoir et l’efficace du Diplomatique. Le principe de réalité que le jeu combiné de toutes ces instances impose est tellement prégnant et sur déterminant – un véritable carcan d’acier ne laissant que très peu de place pour les manœuvres diplomatiques. Les paramètres systémiques dans lesquels éclatent les conflits et s’inscrivent les différends sont tellement serrés et coercitifs que les faisceaux d’irrigation du Diplomatique n’arrivent plus à infléchir sérieusement l’évolution et les réactions des acteurs impliqués et des institutions engagées. 

Dans un troisième temps et dans sa dimension systémique (systématique) et planétaire, le Diplomatique voit sa consistance se dissoudre devant le triomphe arrogant et généralisé de la mondialisation/globalisation – qui s’assimile désormais sa substance plénière et vide le Diplomatique de toute ipséité vivante et déterminante. Le processus de mondialisation/globalisation actuelle induit le transfert massif, en continu, entre toutes les instances et tous les acteurs, de formidables flux d’images, de marchandises, de liens associatifs, d’informations, d’évènements, d’échanges, d’idées … ce qui constituait anciennement, au quotidien, les outils et les aliments du Diplomatique. Dans l’ancien monde, le lot quotidien de la mondialisation/globalisation représentait la boîte à outils que le Diplomatique utilisait afin d’ouvrir les portes, de transcender les frontières, de rapprocher les consciences, d’apaiser les différends, etc. Dans l’ancien monde plein mais opaque, créer un évènement culturel en commun, procéder à des échanges d’étudiants, laisser circuler des images ou laisser jouer certaines émissions étrangères sur les télévisions nationales représentaient à chaque fois des conquêtes diplomatiques qui assuraient rapprochement et réconciliation entre les peuples et pays. Tous ces phénomènes ont beau circuler et se diffuser aujourd’hui à un rythme débridé, ils ne participent plus pour l’essentiel de la substance bénéfique et apaisante du Diplomatique.

 

Dans un quatrième temps et dans sa dimension classique – soit le lien consubstantiel qui relie le Diplomatique et la Maîtrise/Gestion de la violence (l’Etat et le Politique – le Diplomatique commence là où s’arrête la violence directe), le Diplomatique se brise et s’évapore sous la pression dissolvante du Dispositif Sécuritaire Universel (des Dispositifs Sécuritaires Nationaux). Désormais seul face à lui-même et ne pouvant plus espérer quelque intervention médiatrice salutaire (Dieu) susceptible d’éviter les déversements démentiels de violence dont il est seul capable sur terre, l’homme n’a plus d’autre choix, pour survivre, que de construire même de façon complètement chaotique, un Dispositif Sécuritaire Mondialisé/Universel destiné à limiter les risques de catastrophe globale et définitive. Ces Dispositifs Sécuritaires, entre Etats mais aussi à l’intérieur des Etats, restreignent considérablement l’espace des possibles pour le Diplomatique. Prenons l’exemple suivant : un des impératifs constitutifs du Dispositif Sécuritaire Mondialisé est l’impossibilité, pour la communauté internationale, de laisser éclater les frontières des États membres – même si ces frontières totalement artificielles tournent souvent au désastre. Laisser tant de pays se dissoudre provoquerait une crise planétaire ingérable; il faut donc maintenir intact le principe des frontières étatiques héritées du colonialisme. Le prix à payer pour ce maintien est gigantesque mais la plupart des Etats membres (et tous les Etats les plus puissants) souscrivent à cet impératif malgré les guerres civiles, les conflits ethniques, les Etats qui implosent, les populations civiles laissées à elles-mêmes, les déplacements intérieurs des populations … Le Diplomatique se retrouve démuni devant autant de catastrophes disons «protégées» par l’impératif sécuritaire mondialisé.

On pourrait prendre l’exemple du Droit International … qui pour encadrer vertueusement et formellement toutes les problématiques internationales sensibles (réfugiés, armes de destruction massive, droit de la mer, gestion des prisonniers, missions humanitaires, droit d’autonomie des peuples, droit de l’environnement, etc.) … ne peut que regarder, impuissant, les désastres humains et naturels déferlés et se multiplier devant lui. Si Malraux affirmait que le 21e siècle serait «religieux» ou ne sera pas, nous pouvons affirmer à notre tour que le Diplomatique du 21e siècle se devra d’être «politico-spirituel» ou qu’il ne sera pas …

S’ouvre ainsi pour l’humanité une phase très dangereuse dans la mesure où cette même humanité ne pourra plus, pour exorciser sa violence, s’en remettre aux bons vieux mécanismes et aux bonnes vieilles méthodes qu’elle a toujours utilisée  pour se sortir du pétrin; la violence est trop intense et les succédanés sacrificiels habituels ont trop perdu de leur efficace. On pourrait donc, dans ces circonstances, penser qu’un avenir radieux s’ouvre définitivement pour le Diplomatique, mais il s’agit là d’une erreur dans la mesure où comme nous l’avons montré plus haut, les modes,  les formes et les méthodes actuels/usuels du Diplomatique ne parviennent plus à mordre réellement dans la substance désacralisée de l’hyper réalité séculière;   le Diplomatique ou bien devra accepter de devenir une farce folklorique ou bien devra se métamorphoser afin de se réinventer dans une nouvelle forme adaptée aux exigences de l’immanence-séculière dernière génération.

 

Alors si l’on nous presse nous dirons que «l’Être du Diplomatique de troisième génération» que l’humanité doit inventer devra absolument, pour s’imposer et jouer le rôle qui devrait être le sien sur la scène internationale, devenir la synthèse vivante des trois composantes métaphysiques suivantes : la capture des vestiges du sacré hérités de l’ancien monde et qui innervent encore le système-monde actuel ; la genèse de la relation organique fondée sur le don inconditionnel, le destin lié et l’engagement total ; la reconstruction d’espaces/temps sacrés protégés des rivalités et des antagonistes destructeurs.

 

Examinons de plus près quelques-uns de ces possibles – potentiel de reconstruction d’une action diplomatique efficience et conséquente :

 

La capture des vestiges du sacré hérités de l’ancien monde mais qui innervent encore le système-monde actuel :

Quelques prises, dans l’ancien monde, existent toujours relativement à la reconstitution de faisceaux ontogénétiques efficients dans le domaine de la diplomatie : c’est évidemment sur cette possibilité de «remodelage» de faisceaux diplomatiques opérationnels que doit s’appuyer les forces et les acteurs qui voudraient agir mais désespèrent de voir le Diplomatique se vider actuellement de sa substance intrinsèque. Ces faisceaux se composent pourtant de transferts immatériels/matériels induisant des effets bénéfiques et salutaires chez les destinataires, des élans de solidarité, des mouvements sociaux, des mouvances humanitaires, des missions scientifiques, etc. Ces transferts immatériels salutaires ayant des effets structurels constructifs peuvent provenir de groupes et d’organismes divers, d’ensembles ethniques ou sociologiques ou nationaux épars, de dispositifs para étatiques, de vecteurs institutionnels ou de composantes organisées de la société civile – toujours il devra s’agir, pour les pouvoirs centraux et les acteurs concernés, de canaliser ces forces positives vers la reconstruction ou la consolidation de liens diplomatiques génératifs entre États et Nations.

Ces faisceaux immatériels/matériels, une fois capturés et lorsqu’ils transportent et s’assimilent assez de substance et d’essence du Diplomatique, devront être «reformatés» par les concepteurs authentiques du Diplomatique de demain et ce, dans le but de retrouver la puissance d’intervention et d’efficace que le Diplomatique possédait hier encore mais ne possède plus dans l’hyper réalité immanente d’aujourd’hui. Car il importe aujourd’hui de recomposer des vecteurs efficients et organiques de Diplomatique en produisant les synthèses méta dynamiques adaptées à l’espace/temps hyper séculier dans lequel le monde évolue maintenant, se  réapproprier certains éléments endormis existants dans les structures et les interstices du système mondial actuel ; rapprocher des segments coagulants éparpillés dans le système-monde actuel, recadrer et recentrer des forces positives écrasées par les institutions globales, les cadres et les schèmes de pensée actuels, rediriger et infléchir vers de nouvelles volontés de participation et de coopération des forces, des intérêts, des dirigeants et des pouvoirs de nature divergente/ partisane – soit la reconstitution de puissants vecteurs diplomatiques capables d’induire sur le long terme des mutations d’espèce entre les protagonistes engagés dans l’aventure globale actuelle.

 

La genèse de la relation organique fondée sur le don inconditionnel, le destin lié et l’engagement total :

Le Diplomatique de demain devra se résigner à disparaître s’il n’a pas d’autre objectif que l’administration fonctionnelle et rationnelle des relations et des échanges issues de la mondialisation/globalisation. Les Etats et les Acteurs de demain ne survivront pas s’ils n’arrivent pas à créer/construire (reconstruire) des formes inédites de « relation organique » fondées sur le don inconditionnel, le destin lié et l’engagement total, pas l’échange et la concurrence même loyale (intéressé ou non) mais le don fraternel inconditionnel ; pas le partage relatif de valeurs démocratiques acceptées et reconnues, mais le fait d’un destin commun vécu comme impératif et irréversible , pas l’amitié formelle fondée sur la reconnaissance «culturelle» mutuelle de l’autre mais l’engagement total aux cotés des populations et des ethnies nécessiteuses et démunies. Le renouveau diplomatique de demain devra participer de la genèse de relations inter-Etatiques et inter-civilisationnelles traversées et alimentées par la densité organique du Sacré-Densitaire  le sort des États et des Populations se voyant soudé par des liens indélébiles et indestructibles ainsi que par des déterminants humanitaires incoercibles.

Le Diplomatique de demain ne pourra, dans l’hyper immanence d’aujourd’hui, engendrer quelque effet salutaire que ce soit s’il ne parvient pas à fusionner en son sein la substance du Politique et de l’Humanitaire,  car il ne s’agit plus seulement de faire jouer l’essence du politique afin d’infléchir les actions des Etats et des Acteurs dans le sens d’une coopération majorée et renforcée. Il urge aujourd’hui de faire naître des vecteurs diplomatiques dynamiques chargés d’un rayonnement humanitaire si dense et si «décapant» sur les intérêts et les appétits de pouvoir des différents protagonistes que l’orgueil et les tendances prédatrices de ces derniers se voient totalement confondus. Des plus forts aux plus faibles, le Diplomatique ne pourra retrouver ses capacités performatives sur le Réel actuel que s’il s’assimile la puissance nécessaire capable de neutraliser les velléités destructrices des Etats et des Acteurs engagés tout en propulsant ces mêmes Etats et Acteurs vers une nouvelle lumière – celle (la lumière) provenant d’une puissance Sur Naturelle sans laquelle nul espoir de progrès significatif chez l’homme ne saurait être possible : où le Diplomatique se fond dans une nouvelle fraternité/solidarité humaine/universelle substantielle dont il devient le véhicule efficient et vivant.

 

La reconstruction d’espaces/temps sacrés protégés des rivalités et des antagonistes destructeurs :

Bien plus que le renforcement stratégique des Grandes Institutions actuelles (ONU, etc.) … bien plus que l’amélioration des Grands Traités Internationaux … bien plus que la bonification de la qualité des Grandes Interventions et Missions de la Communauté Internationale … le Diplomatique de demain se devra de devenir un condensé politico-spirituel – dans un monde où le politique et le spirituel cesseront d’être des catégories distinctes. Seule cette abolition des formes incarnées émanées des rivalités et des antagonismes destructeurs et violents pourra et saura permettre la construction d’espaces/temps enfin protégés des terrifiantes propensions ontogénétiques au mal que transporte la créature : des espaces/temps sociaux recomposés par la fibre morale et sapientiale circulant à travers les veines des vecteurs diplomatiques engagés. Seule ce Diplomatique de troisième génération pourra arriver à régler les conflits sociopolitiques en apparence irrésolubles, à solidifier les Etats dénaturés et les Institutions dévitalisées et en apparence condamnés, à recomposer des liens humains denses et organiques à l’intérieur de regroupements humains déchirés par le fait de liens interpersonnels disloqués et régressifs, à refonder les coopérations, les réconciliations et les solidarités aptes à produire la paix, l’unité et l’harmonie entre les hommes.

      Dans notre monde guetté par l’implosion, la simulation et l’inertie, le Diplomatique  a  presque complètement perdu sa puissance d’efficace  comme tous les phénomènes cherchant à se déployer dans notre système-monde sursaturé et notre système international engendrant autant sa propre négativité destructrice que de l’infusion constructrice sur le Réel, le Diplomatique a involué vers des voies et des formes implosives et régressives qui ne parviennent plus à générer les résolutions pacifiques qui légitimaient son action autrefois. Cette inertie matérielle/immatérielle des hyper systèmes métastatiques sur saturés comme l’est la scène internationale actuelle ne permet plus la libération constructive des formes et des énergies positives hier encore destinées et «formatées» pour assurer la bonne marche de ces systèmes mondialisés/globalisés. Comme la croissance et le développement, le Diplomatique actuel est devenu un simulacre fonctionnel d’apparat : soit des finalités sans fin.

C’est pourquoi il urge d’injecter de la « réversibilité » au cœur même du système-monde actuel – de la réversibilité capable de faire émerger des espaces/temps protégés de ces antagonismes destructeurs (rivalités commerciales, schèmes idéologiques, mythologies nationales, volontés de puissance, course à l’armement, etc.) qui demeurent malheureusement le moteur dynamique de la genèse de l’ordre mondial dans lequel nous évoluons. Ces espaces/temps sacrés pourront revêtir de multiples formes (traités, organismes de contrôle, organisations à vocation universelle, conventions reconnues, institutions régionales, etc.) mais à la différence des construits collectifs actuels, ils devront acquérir ce caractère sacré sans lequel ils continueront, comme aujourd’hui, d’être profanés, détournées et dénaturés en fonction des intérêts, des appétits et des rapports de force existants. C’est dans l’élaboration de ces nouveaux espaces/temps sacralisés que le Diplomatique saura retrouver sa prégnance constitutive sur les phénomènes , c’est dans la genèse de ces espaces/temps hiératiques que le Diplomatique pourra renouer avec sa mission originelle – participer à engendrer un monde plus pacifié et plus humain,  c’est dans la construction de ces espaces/temps réellement supra nationaux habiletés à refonder le socle sapiential de nos civilisations hyper séculières que le Diplomatique pourra regagner sa puissance performative à refaire l’unité du genre humain. 

 

En outre et si nous réfléchissions ici sur les capacités et les potentialités que devra s’agréger le Diplomatique de demain s’il espère retrouver une puissance probante d’intervention sur, d’absorption et d’assimilation du monde politique environnant, on ne peut passer sous silence le fait que le Diplomatique affaibli/ agonisant d’aujourd’hui risque d’avantage de s’inscrire dans un champ stratégique beaucoup moins édifiant, positif et idéalisée que ce qui serait souhaitable – compte tenu de la formidable pression dissolvante induite par le nouveau principe super séculier d’hyper réalité virulent et déferlant et vu l’immense difficulté existante à s’assimiler la substance des trois composantes dynamiques que nous décrivions plus haut (capture des vestiges du sacré, genèse de la relation organique fondée sur le don inconditionnel et le destin lié, reconstitution d’espaces/temps sacrés protégés des rivalités et des appétits). En effet et dans ce système Super Séculier d’Hyper Réalité (Intégrale), dans ce monde complètement traversé par des flux informationnels, communicationnels, économiques, politiques et technologiques incoercibles et implacables … dans ce monde davantage régie par une hyper communication et une hyper fluidité fonctionnelle et opérationnelle entre instances et acteurs au lieu d’un monde gouverné par de gigantesques faisceaux d’énergie politico-transfusionnelle (le Diplomatique Classique) … dans un monde où le relationnel et le diplomatique ont perdu leur puissance infuse (d’essences) de transformation pacifique des liens entre Etats et Peuples … dans un monde qui n’est plus régi que par des relations d’influence, que par des intérêts, que par des ambitions, que par des rivalités, que par des appétits gargantuesques, par des rapports de force et où le Diplomatique est devenu un «simulacre» … dans ce monde «contingenté» où les grandes lignes de force qui le structurent dessinent un champ stratégique beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus régulé/encadré/balisé et beaucoup plus contraignant en même temps pour les Etats participants.

Les contours de ce nouveau champ stratégique, pour le Diplomatique, même toujours gouverné par les principes systémiques habituels «d’accroissement de sa puissance», «d’affaiblissement de la puissance de ses rivaux et concurrents», «d’arraisonnement global du monde politique environnant», «de gestion de l’incertitude» … n’engendrent pas et n’inspirent pas tout à fait les mêmes tactiques et tangentes diplomatiques que ce qu’induisait dans le conscience des acteurs les pourtours et paramètres de l’ancien champ stratégique moderne (scène et relations internationales, organismes internationaux, droit international, etc.). En effet, le champ moderne du mondial/politique qui poursuit actuellement son existence malgré son affaiblissement et son implosion actuels a toujours engendré chez les acteurs et instances impliqués des stratégies diplomatiques déterminées de type «leurre, apparences ou faux semblant», des stratégies diplomatiques de type «séduction et attraction», des stratégies diplomatiques de type «reconnaissance et rapprochement/coopération», des stratégies diplomatiques de type «démonstration de force et puissance d’influence», des stratégies politiques de type «suprématie et hégémonie», des stratégies politiques de type «intensification des échanges et des processus économiques interétatiques», des stratégies diplomatiques de type «manipulation et fausse représentation», etc.

En revanche, le nouveau champ diplomatique stratégique ouvert par le principe Super Séculier Hyper Réel s’insinuant de plus en plus au cœur de l’ancien principe immanent de réalité politique – ce champ diplomatique émergent de plus en plus dominant a pour conséquence d’inspirer chez les acteurs concernés des stratégies diplomatiques inédites (ou connues mais qui restaient en retrait par rapport aux vecteurs stratégiques dominants que mettaient spontanément en œuvre les acteurs impliqués). Des stratégies extrêmes, fatales et radicales, aux limites du Diplomatique, et qui, signe de notre temps, sont à n’en pas douter susceptibles de provenir largement que de la haine et de l’idéologie, que de la misère et du désespoir, que de la mégalomanie et du fanatisme, que de l’aigreur et du ressentiment, que du cynisme et du nihilisme …

 

On pourrait penser à la stratégie du chantage perpétuel à la catastrophe :

Chantage à la catastrophe ou politique du pire. Où l’on retrouve évidemment le style diplomatique de type Corée du Nord – tout en comprenant bien que cette forme stratégique risque de s’intensifier et de se généraliser dans le futur : le chantage pourra porter par exemple sur un enjeu climatique, un pays menaçant la communauté internationale de ne rien faire pour empêcher que ne se produise une catastrophe naturelle imminente/annoncée si cette même communauté internationale n’acquiesce pas à ses requêtes. Mais le chantage diabolique à la catastrophe pourrait également survenir relativement aux conséquences potentielles pouvant provenir d’interventions humaines ou de gigantesques ouvrages ayant lourdement et durablement modifiés la donne régionale par exemple (on peut penser au barrage érigé sur le Nil par l’Éthiopie – sur son territoire– mais dont les conséquences désastreuses pourraient se répercuter sur les pays aux alentours  Soudan et Égypte en première ligne). Mais ce type de chantage à la catastrophe pourrait également venir d’un pays comme la Russie, menaçant la communauté internationale de laisser se détériorer de vieilles centrales nucléaires ou encore de vieilles bases militaires totalement en désuétude et bourrés d’éléments explosifs, radioactifs – ce qu’elle fait déjà depuis la chute de l’URSS.

 

On pourrait penser à la stratégie de la victime éternelle et du miséreux nécessiteux :

Plusieurs pays qui se trouvent coincés dans des dynamiques politiques régionales/internationales ou encore plusieurs groupes ethniques qui se trouvent enchâssés dans des processus étatiques/nationaux … pourraient se voir tentés de jouer la carte stratégique de la victime émissaire ou encore, selon les cas, du miséreux nécessiteux – soit la position hiératique/sapientiale de celui qu’on serait dans l’obligation morale d’aider. Mais cette vision stratégique des choses, si on en élargit un peu le principe, pourrait séduire plusieurs pays d’Afrique ou des Amériques – pensons à la République démocratique du Congo,  polariser l’attention du monde sur le caractère victimaire et nécessiteux de la réalité vécue par ce pays. La plupart du temps il s’agira de partir d’une dimension tout à fait véridique de la réalité vécue par le pays en question – mais d’hypostasier cette dimension (la mainmise des grandes familles sur le pouvoir, l’ascendance des élites traditionnelles sur les affaires de l’Etat, le retour de gouvernants toujours aussi corrompus les uns que les autres) et d’en faire une sorte de «fatalité d’essence» qualifiant la nature intime du pays concerné. Il suffira par la suite de négocier voire de surenchérir au niveau diplomatique et politique relativement à cet état régressif d’infortune nécessiteuse.

La stratégie de la «victime», il va sans dire, n’est pas nouvelle mais elle aura tendance à devenir, pour certains pays, une sorte d’état permanent justifiant toutes les actions et tous les comportements dévolutifs et régressifs que l’on puisse imaginer : le nouvel âge victimaire, affirmait Jean Beaudrillard.




On pourrait penser à la stratégie de la pute et du plus offrant :

Cette forme stratégique spécifique, en diplomatie internationale, existe déjà il va sans dire depuis fort longtemps, mais elle pourrait devenir la forme de diplomatie dominante pour plusieurs états pourtant souverains et non les plus mal nantis : car tout dépend également de ce que la pute a à offrir. Dans le cas de l’Arabie Saoudite par exemple, s’aligner sur la politique des puissances occidentales pouvait paraître relativement noble aux yeux des pays démocratiques partout dans le monde, mais il n’est pas certain que c’était là la stratégie la plus payante (du moins à court terme) pour les élites en place dans ce pays de sable. Dans le contexte hyper immanent, immoral et désacralisé dans lequel nous évoluons, devenir une sorte de «pute» se donnant au plus offrant, lorsque l’on possède ce que tout le monde convoite (pétrole), peut nous procurer des avantages considérables. On risque évidemment de perdre ce qui reste de son «âme» mais dans l’état actuel des choses, on ne voit pas vraiment quel fragment d’âme les protagonistes du régime Wahabite pourrait encore perdre. 

Et attention il ne s’agit plus ici de se positionner en tant que «non aligné», jadis posture politique noble et courageuse dans un monde bipolarisé et lourdement idéologique ; il s’agit juste de n’avoir aucune valeur réelle et de n’avoir aucun parti pris politique authentique – juste «coucher» avec le plus offrant ! L’Inde apparaît attirée, depuis quelques années, par ce type de stratégie diplomatique , tout le monde  la convoite et elle aussi a déserté cette posture de «pays non-aligné» qu’elle avait l’habitude d’adopter pendant la guerre froide. Maintenant qu’elle s’est lancée dans une logique de développement et de croissance inconsidérée et insatiable, une dynamique d’enrichissement tous azimuts, elle offre sa position géostratégique et son gigantesque marché à qui voudra bien lui apporter quelque dividende intéressant et lucratif.






On pourrait penser à la stratégie de la dissolution de sa souveraineté politique (calibrée/relative/circonstancielle/adaptée) :

 

Depuis la genèse des Etats-Nations et la consolidation de souverainetés politiques d’une rigueur implacable, nous avons pris l’habitude de penser que le verrouillage des souverainetés nationales était un phénomène ordinaire, «naturel», viable pour les peuples et les entités politiques correspondantes … une Raison d’État incoercible apte à protéger mieux qu’aucune autre entité ou instance les populations et le territoire, surtout depuis l’avènement de la deuxième grande guerre ainsi que de la bombe atomique, la clôture impénétrable et inébranlable de l’Etat sur la Société et le Territoire est devenu  un des impensés sur lequel repose en dernier essor nos capacités analytiques et notre approche critique du principe de réalité moderne. L’Etat démocratique séculier est devenu en définitive notre «double ontologique» … soit l’Idée Incarnée Incorporée de notre santé, de notre éducation, de notre civilité, etc.

Toutefois et si l’Etat séculier possède un certain nombre de vertus indéniables, il n’est pas certain, dans ce monde en transformation accélérée, qu’il ne puisse devenir une sorte de «carcan régressif» pour les peuples enchâssés au cœur de ce Super Dispositif Politique. Combien de pays, aujourd’hui, jouissent de souveraineté politique dont ils ne savent que faire, qu’ils ne parviennent plus à assumer … souverainetés politiques à l’intérieur desquels des peuples entiers se retrouvent davantage écrasés que libérés,  car il n’est pas facile, dans le contexte actuel, de faire évoluer sa souveraineté politique dans le sens d’un développement sain, viable et constructif de sa société ce, à tous les niveaux (production, mode de vie, ressource humaine, environnement, emploi, distribution de la richesse, etc.).

Aussi est-ce dans ce contexte et à partir de cette nouvelle donne (un monde en voie de transformation radicale) qu’il faut comprendre la volonté stratégique de plusieurs dirigeants de «dissoudre en totalité ou en partie» le principe soit disant inaliénable de la souveraineté politique afin de se donner les moyens de construire des entités nouvelles et inédites qui ne souffrent pas du problème des frontières, des normes et des règles issues de notre monde forgé autour des souverainetés nationales. L’Idée de l’Europe bute sur le principe des souverainetés nationales et à chaque degré supplémentaire d’intégration, au moment où il serait exigé de chacun qu’il «transfert ontologiquement» une partie significative de sa souveraineté, les bons vieux réflexes resurgissent à la moindre difficulté rencontrée, faisant reculer les États engagés tout en faisant reculer en même temps le projet d’intégration européenne. 

Toutefois et sous le poids de la nécessité/contingence, ces transferts graduels de souveraineté vont se faire … mais dans la souffrance au lieu de se réaliser dans la coopération positive. Dans le domaine de la santé et face aux épidémies, les pays européens ont commencé à penser le principe d’une souveraineté européenne des approvisionnements (productions de médicaments) et de l’accès (gain d’échelle sur les prix) … à penser le principe d’une souveraineté européenne des capacités militaires de défense et de sécurité (coincé entre la Russie et les Etats-Unis dans la guerre en Ukraine) … à penser le principe d’une souveraineté énergétique européenne (gaz, pétrole, etc.) aussi bien relativement à la sécurisation des approvisionnements qu’aux prix d’acquisition des ressources pour les Etats membres. Tout le monde a compris, toutefois, qu’il s’agit là d’une dissolution limitée et laborieuse des souverainetés nationales, dissolution essentiellement réalisée sous le poids de la «nécessité».

Mais d’autres pays seront de plus en plus tentés d’amorcer ce processus de dissolution de leur souveraineté politique dans le but soit d’accroître leur capacité à rivaliser avec les acteurs et les opérateurs les plus puissants dans le monde, soit de partager avec d’autres certains atouts dans le but de se doter par exemple d’entreprises capables d’assurer une production «binationale» viable et conséquente pour les deux pays impliqués, soit de mettre en commun certaines qualités partielles possédés par chacun dans le but de se compléter et ainsi de survivre dans certains domaines d’activité dits stratégiques, soit dans le but de mettre ensemble leurs faiblesses et leurs «ratés» dans le but d’amenuiser l’impact respectif sur chacun de ces défaillances constatées … 

Beaucoup d’accords de cet ordre existent déjà, me rétorquera-t-on ! Pas tout à fait dans la mesure où tous les accords actuels s’inscrivent toujours dans le cadre d’une communauté d’Etats Souverains. Mais l’on pourrait très bien imaginer, dans un avenir rapproché, que des Etats tels le Paraguay s’intègrent définitivement dans le Brésil, améliorant ainsi ses chances de prospérité dans le moyen terme ; on pourrait même penser à la fusion de plusieurs petits états des Amériques ou d’Afrique dans le but de former des Entités Etatiques Régionales plus puissantes et plus aptes à se défendre contre les attaques commerciales et technologiques des firmes transnationales et des Etats-Empire.

Évidemment et comme on le sait, le transfert de souveraineté politique demeurera toujours un phénomène sensible au niveau de la sécurité et de la défense du territoire, ces mêmes transferts ne pouvant se faire qu’entre entités gouvernés par une confiance réciproque sans faille, le Japon a longtemps vécu sous l’égide du parapluie nucléaire américain, mais il s’agit là d’une situation exceptionnelle, une état de fait obligé de par la défaite nippone ainsi que par le menace exorbitante d’un ennemi (URSS) à la puissance démesurée. D’ailleurs, le Japon désire renverser aujourd’hui cet état de demi-servitude à demi-consenti …

Dissoudre délibérément sa souveraineté politique dans le but d’échapper aux carcans contraignants que peut représenter à tous les niveaux ce système en apparence indépassable d’une communauté internationale formée d’Etats souverains : concurrence impitoyable entre Etats ; concurrence économique inter-Etats balisée par des organes et des règles très contraignantes,  construction orientée sur le territoire de dispositifs étatiques performants,  intégration institutionnelle forcée des populations et groupes ethniques évoluant sur le territoire,  devoirs politiques au sein de cette communauté d’Etats souverains,  obligations de souscrire à des règles et des conventions très limitatives pour les États engagés …

 

On pourrait penser à la stratégie du prédateur assumé mais non avoué :

La stratégie du «prédateur assumé» est évidemment l’idéal-type stratégique qui caractérise la Chine aujourd’hui. Mais attention ce n’est évidemment pas la Chine qui a inventé ce type d’approche, loin s’en faut. Mais la Chine, en passe de devenir l’empire le plus puissant, peut-être, qui n’ait jamais existé, incarne parfaitement ce mode singulier et spécifique d’appropriation tribale/cannibale du monde environnant. Quoique se dotant de moyens militaires de plus en plus puissants et destructeurs, ce n’est pas à partir des systèmes d’armement que la Chine entend étendre son empire sur la planète et pouvoir ainsi jouer de prédation universelle. Au tournant des années 2000, la Chine a pris conscience qu’elle pourrait accroître indéfiniment sa puissance en s’appropriant/s’assimilant la substance économique de tous les pays,  devenir l’usine du monde et s’enrichir consubstantiellement à l’infini. La Chine est si puissante aujourd’hui – financièrement, industriellement, technologiquement, politiquement, etc.- qu’elle peut «reformater» tous les environnements et les états de fait qui se présentent à elle dans le sens d’un accroissement vertigineux de sa puissance ,  comme acheter des dirigeants corrompus, comme remodeler le parc des équipements collectifs existants dans un pays,  comme reformater du tout au tout les infrastructures d’un autre pays ou même d’une région entière,  comme fonder ou soutenir ou servir de référence à n’importe quelle monnaie dans le monde,  comme éponger les dettes d’un autre Etat trop endetté,  comme …

En retour il y a toujours une très lourde quittance à rembourser,  le pays qui accepte les avantages relatifs, circonstanciels, sectoriels, momentanés que peut lui procurer la Chine devra nécessairement non seulement rembourser, mais le plus souvent accepter une certaine mainmise de son économie, de ses ressources et même de son territoire par la Chine. Le prédateur assumé observe sa proie, traque ses mouvements et identifie ses faiblesses … puis profite de ses failles pour entrer dans son système et se rendre indispensable … enfin grossit comme un cancer à l’intérieur de sa proie jusqu’à ce que cette dernière soit obligée de s’incliner, de se soumettre et de satisfaire les moindres désirs de son maître. Maintenant qu’elle possède l’argent et les capitaux, qu’elle contrôle et domine les circuits commerciaux, qu’elle possède l’expertise et la technologie, qu’elle est détentrice de tous les systèmes d’armement et d’équipements militaires et paramilitaires … la Chine peut pénétrer dans pratiquement tous les pays, proposer des aides et des solutions aux problèmes rencontrés par les autorités locales, et finalement s’immiscer graduellement dans tous les rouages et les leviers de pouvoir du pays concerné – et accroître ainsi à l’infini son influence sur le pays. Influence économique d’abord mais qui déborde rapidement le «strict économique» pour se transmuer en influence politique – en interdisant son marché aux produits d’exportation du pays ciblé par exemple. Influence politique de plus en plus directe et marquée par la suite dans le but d’infléchir toutes les politiques élaborées par le pays concerné dans le sens des intérêts intrinsèques de la Chine.

Les appétits de prédation de la Chine sont en train de se détacher tranquillement des formes de prédation ancrées dans le «matérialisme économique» (marchandises, ressources naturelles, produits originaux, productions artisanales nationales … qu’elle consomme de manière boulimique) pour s’abstraire résolument vers une «reconstruction métaphysique du monde à son image» … soit des villes, des artefacts, des formes architecturales, des esthétiques, des réalisations culturelles, des équipements collectifs, des normes organisationnelles, des méthodes d’étude ou de travail ou autres, des standards, des complexes technologiques, etc. Comme on dit, «sky is the limit».

 

On pourrait penser à la stratégie des anomalies productives :

Il y a des pays, qui comme le Panama, ont toujours su exploiter de manière pragmatique et constructive une situation plus que singulière : soit le fait d’être le pays par lequel il s’avère le plus facile de passer de l’océan atlantique à l’océan pacifique. Depuis, une grande partie du développement de ce pays repose dans les faits sur l’exploitation stratégique/diplomatique de cet état de fait (anomalie productive)   un tout petit pays mais qui n’a jamais cessé d’intéresser au premier chef les grandes puissances. Et ce n’est pas terminé dans la mesure où il est prévu de construire un nouveau canal, plus fluide que jamais, pas très loin de l’actuel canal existant,  un consortium d’intérêts étrangers, chinois notamment. 

Mais pour le Panama, et puisqu’il héberge un passage lucratif mais hautement stratégique sur le plan commercial mais militaire également, il importera évidemment de jouer l’équilibriste entre les forces en présence, question de toujours se ménager les puissances impériales dont la susceptibilité ne peut que s’exacerber au regard de décisions trop «décevantes et restrictives» de la part des autorités panaméennes. Il faudra toujours s’assurer que cette gigantesque «anomalie» sur laquelle repose la prospérité du pays demeure «productive» en termes de retombées économiques mais également en termes de retombées politiques, diplomatiques et militaires.




On pourrait penser à la stratégie diplomatique du Fossoyeur et de l’Arbitraire :

Dans beaucoup de pays, en Afrique notamment, beaucoup de gouvernants et de gouvernement représentent des pouvoirs politiques qui ne possèdent aucun fondement, aucune légitimité, aucune justification démocratique … aucun autre motif de se retrouver à la tête de l’Etat que l’arbitraire de la violence armée doublée d’un opportunisme cynique et d’états de fait (ou Etats de service) historique/culturel. Comme au Mali, au Soudan et dans bien d’autres pays, il s’agit de dirigeants qui ne portent aucun projet politique un tant soit peu viable pour leur pays, de dirigeants qui ne croient pas du tout à quelque développement intégral que ce soit pour leur pays, de dirigeants qui ne cherchent en aucun cas le bonheur et le bien-être de leur population, de dirigeants qui ne sont même pas inspirés par quelque idéologie politique que ce soit, aussi rocambolesque que puisse être cette idéologie. Où nous sommes en présence de dirigeants qui ne se maintiennent au pouvoir que par la force militaire et par l’exercice on ne peut plus arbitraire de la violence armée.

Jadis, les leaders politiques autoritaires régnant sur les peuples africains par exemple, transportaient des projets politiques pas très démocratiques la plupart du temps, mais des projets politiques qui pouvaient faire sens et imprimer/inspirer au Parti au pouvoir des programmes politiques et des orientations de politique étrangère relativement compréhensibles et cohérentes : cette ère est révolue. On voit désormais apparaître des gouvernants, souvent issus des milieux militaires ou même des factions militarisées en présence – des leaders qui se disputent et s’accaparent le pouvoir avec pour seule finalité l’appropriation carnassière et l’exercice arbitraire et totalement biaisée de ce même pouvoir politique : le pouvoir pour le pouvoir, la mainmise du pouvoir à des fins personnelles et tribales ou filiales. Plus l’objet disparaît (le projet politique, la société meilleure, etc.) et plus les rivalités qui s’enclenchent pour s’en emparer se font violentes et meurtrières. C’est l’histoire du fossoyeur et de l’arbitraire d’un pouvoir qui n’a plus comme raison d’être que la survie même du fossoyeur.

Tout cela favorise évidemment l’émergence de stratégies diplomatiques souvent très anarchiques et très incohérentes – ou sinon dont la seule cohérence se situe du côté de la meilleure façon de demeurer en poste le plus longtemps : Bachar Al Assad, en Syrie, nous ayant donné une belle démonstration de toutes les séquences plus ignobles les unes que les autres qu’il n’a jamais hésité à mettre en œuvre afin de se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Le fossoyeur despotique pourra laisser des armées étrangères mener des opérations sur son propre territoire, il pourra nouer n’importe quelle alliance susceptible de renforcer son autorité, il pourra brader toutes les ressources disponibles si cela peut lui procurer des avantages ou des protections ou des armes, il pourra accepter toutes les bassesses ou tous les compromis si cela lui assure le contrôle sur des forces qui lui sont hostiles, il pourra se déclarer votre ami aujourd’hui et votre ennemi demain si cela peut lui apporter appui et considération de la part d’une puissance déterminante …

Stratégie qu’il ne faut pas confondre avec celle de la pute, malgré certaines similitudes,  la pute n’est pas nécessairement tyrannique, contrairement au fossoyeur nihiliste ; la pute vous séduit afin de mieux profiter et de jouir alors que le fossoyeur ne survit que dans la violence et par la violence,  la pute vend, négocie, transige et manœuvre alors que le fossoyeur noue des ententes fatales, diaboliques et régressives sur le réel du pays concerné … la pute sait parvenir à se faire désirer alors que le fossoyeur ne survit que par la haine, la volonté de puissance des autres et de lui-même et les intérêts les plus vils de ses associés.

On pourrait penser à la stratégie dialectique du camouflage par le droit international :

Le droit international, s’il possède n’en doutons pas un certain nombre de vertus transhistoriques, ne constitue pas du tout l’instance universelle juste et morale qu’il prétend être,  le droit international se présente plutôt comme un miroir réfléchissant la cruelle réalité du monde dans laquelle nous vivons. Dans la mesure en effet où le droit international n’a jamais été que la consécration «légale/formelle» des rapports de force et des résolutions collectives consécutives et émanées de ces mêmes rapports de force à l’échelle internationale, il n’est pas surprenant de voir plusieurs pays se servir délibérément de cet «écran métaphysique» aux allures si neutres et objectives afin de camoufler les structures inégalitaires de pouvoir sur lesquels repose en dernière instance leurs privilèges historiques.

Il n’est donc pas surprenant de voir une gamme assez variée de régimes politiques se réclamer du droit international afin de justifier leurs actions, leurs décisions ou encore leurs interventions sur la scène internationale,  se retrancher derrière de nobles apparences afin de conférer droiture et légitimité à des actions ou encore des états de fait qui ne possèdent nullement les qualités éthiques et politiques que l’on veut bien leur prêter. On a ainsi pu voir la Russie fonder son référendum en Crimée en s’appuyant sur les principes reconnus du droit international. Mais ce ne sont pas que les méchants (Russie) qui utilisent le droit international afin de se cacher derrière cette façade d’apparence si irréprochable que constitue le droit international : on a vu la France et l’Angleterre se porter un appui mutuel et se battre avec ferveur sur toutes les plateformes officielles afin de s’assurer le respect inconditionnel de la Convention des droits de la mer (Convention qui fait évidemment partie du droit international) par tous les pays et toutes les instances internationales (ONU). On se souvient même de l’appui inconditionnel de François Mitterrand à l’Angleterre et à la Dame de fer dans le conflit qui opposait le Royaume-Uni à l’Argentine relativement aux Iles Malouines (Falkland Island) : la France a d’autant plus soutenue l’Angleterre que les deux pays possèdent de gigantesques territoires et domaines marins correspondant dans les deux cas à plusieurs fois la superficie de leur territoire respectif (avec toutes les ressources naturelles et les zones d’exploitation exclusive que cela  représente). Se camoufler derrière le droit international afin d’asseoir politiquement un état de fait historique hérité de la colonisation et qui sans cet artifice institutionnel/constitutionnel trouverait difficilement des justifications crédibles.

Plusieurs pays aiment bien se retrancher également derrière cette autre émanation du droit international que représente le «tribunal pénal international». Cette construction étrange et plutôt étriquée permet ainsi à certains acteurs puissants d’attaquer les régimes et les dirigeants politiques qui leur paraissent pour toutes les raisons du monde «tyranniques» laissant volontiers dans l’ombre d’autres régimes et dirigeants dont les actions à l’intérieur de leur pays et dans le monde sont pour le moins douteuses et discutables (quel euphémisme !). Mais on peut également refuser de reconnaître ce tribunal tout en laissant les barreaux des Etats (Etats-Unis) conférer une reconnaissance «relative» aux travaux de ce dernier,   lorsque question de stratégie politique, tous les montages politiques qui servent nos intérêts sont toujours les meilleurs. Mais on peut également se servir stratégiquement du tribunal pénal international pour soigner son image devant les grandes instances internationales, pour améliorer la cote officielle conférée à ses propres institutions judiciaires par diverses organisations internationales ou encore divers regroupements d’Etats importants (la CEE compile chaque année une liste relativement à la valeur des différents systèmes judiciaires dans le monde, de leur valeur, de leur travail, de leur fiabilité, de leurs rapports avec les autres pays, etc.), pour obtenir des concessions et des avantages de la part de la communauté internationale (ce que la Serbie a finalement obtenu pour «lâcher» Milosevich) …

Se camoufler derrière le droit international est une stratégie qui repose la plupart du temps sur la lâcheté et la volonté ignoble de conserver sa force acquise et ses privilèges hérités : mais ce peut être une stratégie payante puisqu’elle se monnaye à peu de frais et se sert de l’immense prestige de la Raison Légale et du Droit Universel afin de dissimuler ses appétits les plus vils, ses penchants les plus destructeurs, ses intérêts les plus roturiers, sa volonté de puissance les plus régressive.

Cette liste n’est pas exhaustive – sans oublier que ces archétypes ou «idéal-type» ne se retrouvent jamais à l’état pur dans la réalité. Principe Super Séculier d’Hyper Réalité qui n’aura de cesse de produire des synthèses diplomatiques originales et inédites …







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