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Nouvelles tangentes diplomatiques dans les Amériques

Avertissement

Quand on évolue dans le domaine des sciences humaines, depuis quelques décennies déjà, on sait pertinemment qu’il doit toujours exister, dans l’utilisation des recherches effectuées par les membres actifs de la communauté intellectuelle, une attitude éthique très marquée. En effet les différents documents que nous acceptons de diffuser sur diverses plateformes se voient malheureusement exposés aux manipulations les plus diverses, mais pas nécessairement les plus nobles : c’est pourquoi il nous apparaît nécessaire de rappeler aux utilisateurs potentiels de mes documents et recherches (ouvrages, articles, recherches disciplinaires, réflexions, essais, etc.) de faire part d’une véritable exigence morale dans l’utilisation de ces documents, quelle que soit par ailleurs le cadre formel ou non dans lequel sont effectivement utilisés ces documents. La personne qui utilise de tels documents doit absolument respecter les droits d’auteur, citer ses sources lorsque nécessaire, éviter le plagiat et ne jamais déformer le sens ni l’essence des écrits référés. Un droit de référer qui, toujours, devra se faire avec respect, discernement, intégrité et diligence.

 
 

 

 

Pendant longtemps, pour qui voulait discuter de l’ascendance écrasante qu’avaient les États-Unis sur l’ensemble des Amériques, on se permettait d’utiliser des concepts comme celui de «colonialisme», une notion imprécise dans la circonstance mais qui demeurait acceptable compte tenu de l’inégalité radicale, dans les termes de l’échange (à tous les niveaux), qui existait entre les pays d’Amérique centrale ou d’Amérique latine et l’empire américain. L’étiquette de «colonialisme», en effet, devrait rigoureusement être réservée à cette capture multidimensionnelle intégrale et à cette emprise politico-économique totale qu’eurent par exemple sur les «pays» africains les puissances colonisatrices européennes. Cette précision non pas dans le but de minimiser la puissance de pénétration et la capacité d’influence du géant américain par rapport aux fragiles souverainetés politiques sud-américaines – mais simplement afin de maintenir la nécessaire distinction entre ce qu’on pourrait surnommer la forme «américaine» de domination et le forme «européenne» de domination.

Dans tous les cas et ce, de la deuxième grande guerre jusqu’à la chute du mur de Berlin pour donner un point de repère, on peut parler d’une tangente diplomatique largement orientée autour de l’axe nord/sud, le nord se présentant évidemment comme le pôle dominant et le sud comme le pôle dominé : un axe nord/sud traversé de toutes parts par l’axe est/ouest, un axe nord/sud traversé de toutes parts par la lutte impitoyable que se livraient alors le «monde libre» et les «cosmologies communistes». Dans les Amériques, cette guerre idéologique entre les deux mondes antagonistes du capitalisme et du communisme prit toutefois un visage singulier : les États-Unis d’Amérique, la plus grande puissance de la planète, veillait scrupuleusement à ce qu’aucune expérience communiste ne puisse prendre racine dans leur cour arrière. Et si les États-Unis s’étaient déjà arrogé une mainmise politique et économique significative sur l’ensemble des Amériques dans le cadre de la Doctrine Monroe, ce même pays fit tout ce qu’il put, durant la guerre froide, pour maintenir sur toute la zone l’influence décisive que leur disputaient âprement les mouvements communistes en exercice.

Dans cette histoire, le profond libéralisme sociologique, politique et économique qui définissait l’expérience américaine ne laissait guère de place à l’éclosion et à la floraison de régimes politiques socialistes plus ou moins modérés : ou l’on demeurait dans le giron libéral américain ou l’on risquait de tomber sous le joug de forces politiques plutôt fascistes et réactionnaires – pour ne pas parler des nombreux coups d’état militaires caractéristiques de ces pouvoirs politiques paternalistes, brutaux, fascisants et inféodés aux principes du libéralisme économique qui s’approprièrent le pouvoir un peu partout dans les Amériques. Le cas de Cuba étant évidemment un cas à part, l’exception qui réussit à échapper à l’emprise de la puissance américaine … et dont l’alignement «forcé» sur Moscou faillit amener l’humanité à sa perte. Peu importe dans tous les cas, c’est bien autour de l’axe nord/sud (et est/ouest) que se sont développées et déployées les diverses modalités formelles de diplomatie qui eurent cours dans les Amériques jusqu’à la fin de l’empire soviétique.

Attention, c’est depuis la colonisation du nouveau monde que les évènements politiques et diplomatiques majeurs s’organisent autour de l’axe nord/sud. Ce sont en effet les puissances européennes qui prirent d’assaut les enceintes fortifiées qui défendaient de l’Alaska à la Terre de Feu toutes ces populations vivant sous le mode du paganisme – dans le but de convertir au monothéisme (religion catholique ou protestante) et d’amener progressivement vers un monde séculier les groupes indigènes déracinés pour la découverte/conquête du Nouveau Monde. Depuis les débuts de l’aventure coloniale et malgré toute la richesse des réseaux d’échange et des vecteurs d’influence qui se sont densifiés entre les diverses entités politiques constituées, ce sont en effet tous les paramètres décisifs ayant déterminé le sort des Amériques qui ont été «imprimés» de l’extérieur – tous les facteurs constitutifs décisifs sur le destin des populations locales ayant été «importés» des grandes capitales européennes (ou des traités signés entre ces mêmes capitales européennes).

Que l’on pense à la délimitation des frontières territoriales, que l’on pense à la constitution d’entités politiques souveraines séculières (des États politiques plus ou moins modernes), que l’on pense au déploiement sur les territoires nationaux de dispositifs d’intégration à portée universelle (système de sécurité, système de santé, système d’éducation, etc.), que ce soit la construction à grande échelle d’équipements collectifs (ports, aéroports, réseaux routiers, etc.) assurant une certaine forme singulière de développement économique (capitalistique, industriel, etc.), que l’on pense à la mise en place d’institutions judiciaires habiletés à étendre l’abstraction judiciaire et l’encadrement juridique sur la totalité des grands secteurs d’activité humaine … toujours ce sont là des formes/civilisation directement importées et inspirées des sociétés européennes et dont la genèse dans les Amériques dépend entièrement, au départ, de décisions prises ailleurs mais imposées par la suite aux populations autochtones vivant sur leurs terres ancestrales.

Ce sont d’abord l’Espagne et le Portugal, on le sait, qui se partagèrent les ressources et les territoires du Nouveau Monde, premières puissances tutélaires relayées ensuite par les nouveaux maîtres des mers que furent l’Angleterre, la France et la Hollande. C’est ainsi qu’on se partageât alors ces immenses territoires plus ou moins habités selon le cas, passant sans discontinuité des comptoirs commerciaux et des exploitations agricoles à la consolidation d’entités politiques s’assimilant sans discernement de gigantesques étendues de territoire et ce, jusqu’à ce que les États-Unis deviennent la superpuissance dominante dans toute la zone des Amériques, surclassant de manière indiscutable tous ses concurrents en termes de volonté/capacité d’hégémonie dans la région – l’éviction des espagnols à Cuba par la flotte américaine au tournant du vingtième siècle pouvant faire figure d’évènement symbolique fort dans ce changement de garde au plus haut niveau.

L’axe nord/sud dans les Amériques, jusqu’au déclin de l’empire soviétique, ne cessa donc jamais de se présenter comme l’axe dominant dans le déclenchement des processus politiques et diplomatiques les plus déterminants qui soient : l’axe sud/sud se présentant comme un axe vivant mais subordonné par rapport aux impératifs de l’ordre politique global engendré par cette mainmise structurelle des puissances occidentales et de l’Amérique du nord sur la totalité des «autres» Amériques .L’ère du Diplomatique nord/sud était caractérisée par l’expression fulgurante d’une supériorité métaphysique affirmée de la part des sociétés appartenant à la civilisation occidentale – soit l’expression d’une supériorité d’être soi-disant incontestable envers toutes les autres cultures ou systèmes politiques existants dans le monde. Après la deuxième grande guerre, les États-Unis d’Amérique se présentaient comme le modèle universel intégral que toutes les autres cultures devaient imiter inconditionnellement : un modèle absolu faisant figure de référant hiératique pour l’univers tout entier. Des États-Unis venaient la liberté, la démocratie et la prospérité … mais aussi la liberté des mœurs, la créativité des avant-gardes culturelles, la promesse d’expériences sociales et communautaires émancipatrices, etc. S’agissant également d’un modèle culturel idéal qui se doublait d’une arrogante richesse matérielle et de la plus grande puissance militaire jamais déployée dans l’histoire de l’humanité.

            Le discours classique de la diplomatie nord/sud demeurait marquée d’un coté (les pays du nord) par l’arrogance, le paternalisme, la domination culturelle, l’assurance en soi, la bienveillance intéressée, l’inféodation idéologique, la croyance en une certaine supériorité de civilisation, une ascendance politique et économique structurelle … et de l’autre coté (les pays du sud)par l’aveuglement, le déni, la complaisance, la soumission (conditionnée), la désublimation répressive, la servitude volontaire. La relation dynamique entre les protagonistes, dans cette histoire, demeurait essentiellement asymétrique et déséquilibrée : le sud était pourvoyeur relativement aux ressources naturelles, aux richesses de la terre et à l’apport d’une  main d’œuvre docile et bon marché alors que le nord apportait dans la balance le capital financier, les armes, les produits manufacturés et les équipements techno industriels – système d’ensemble qui reconduisait inlassablement un déséquilibre profond dans les termes de l’échange.

Mais dès les années 80’, les choses s’étaient déjà mises à changer dans la zone Amérique : le desserrement de l’étau idéologique communiste, l’affaiblissement de la puissance soviétique, le raffermissement politique démocratique observé au cœur des nations sud-américaines, la diffusion sur toute la planète des valeurs inoculées dans la Charte universelle des droits et libertés et leur infusion marquée dans tous les pays latino, un certain changement dans l’approche traditionnelle des pays du nord et des institutions financières internationales, l’autonomisation d’une société civile plus robuste dans plusieurs des nations latino-américaines, un développement économique plus étendu/diversifié et moins strictement tributaire des exportations de matières premières … tout cela va donner de l’essor et consolider ce qu’il est maintenant convenu d’appeler l’axe sud/sud. Non pas que les déterminants de l’axe nord/sud aient complètement disparu, loin s’en faut, mais davantage le fait de l’affirmation d’une volonté politique sud/sud nouvelle et inédite s’ajoutant, se superposant et cohabitant avec les processus nord/sud. S’inspirant des avancées du mouvement des non-alignés tout en étant pas des héritiers directs de cette large mouvance «socialisante», il s’agirait plutôt de la maturation de profonds mouvements d’émancipation nationaux et régionaux – souvent propulsés de manière manifeste par des partis politiques d’orientation socialiste mais qui prenaient racine dans de très lointaines luttes sociologiques locales enracinées dans la réalité des campagnes ravagées et des bidonvilles délabrées des pays de l’hémisphère sud.

          L’axe sud/sud, dans les Amériques, est la conséquence d’une gestation de longue date induite au cœur même des nations engagées dans l’aventure : le fruit d’une insistante et déterminée volonté de s’unir afin de renforcer son autonomie et sa souveraineté – autonomie et souveraineté trop souvent bafouées par les impératifs d’un ordre international entièrement conditionné par la puissance des pays occidentaux depuis la deuxième grande guerre. L’exemple du Mercosur, accord d’intégration économique et politique entre plusieurs pays d’Amérique du sud, illustre à merveille cette volonté d’émancipation des nations de l’hémisphère sud par rapport au poids déterminant voire écrasant des États-Unis dans leur propre développement économique. Le Mercosur, ce fut la création en 1991, via le traité d’Asunción, d’une zone de libre-échange regroupant au départ le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Le Venezuela se joignit plus tard à ce groupe – alors que d’autres pays devinrent des membres associés (Bolivie, Colombie, Chili, Équateur, Pérou, Guyane, Suriname). Il s’agissait d’un projet de 30 ans destiné à créer un des plus ambitieux blocs commerciaux au monde. 

Mais le projet Mercosur n’avait pas comme seule finalité de regrouper économiquement les pays de l’hémisphère sud : il consistait également en un processus continu d’intégration des pays de la zone – processus d’intégration devant s’assimiler graduellement l’ensemble des grandes dimensions des sociétés latines impliquées. Et si la libre circulation des biens et capitaux ainsi que la suppression des droits de douane représente déjà en soi une forme d’intégration régionale significative, la volonté de créer une zone de libre-échange au niveau des services et des personnes constitue un pas supplémentaire dans l’intégration multidimensionnelle des différentes nations engagées dans l’aventure. Mais le projet de Mercosur n’entendait pas s’arrêter là : la volonté était présente d’intégrer les parties prenantes sur des déterminants qui touchent à la souveraineté politique des États concernés. On peut penser à la fixation, par les États membres, d’une politique commerciale commune (envers les pays tiers), d’une coordination sectorielle des politiques macroéconomiques (dans les domaines agricole, fiscal, monétaire, industriel, etc.) et enfin d’une harmonisation des législations en vigueur : ce qui force les États membres à transférer à l’Organisation une part substantielle de leur souveraineté politique (à l’instar de la Communauté Européenne). Finalement il ne faut jamais oublier, dans ce genre de processus à long terme, les fonctions d’intégration globale qui se jouent à tous les niveaux de la vie sociale : les échanges d’étudiants, les échanges culturels, la fixation de normes et de standards régionaux ou internationaux dans tous les secteurs d’activité, 

La construction de marchés stables et régulés, l’harmonisation des niveaux de vie et des modes de vie …

Quant au discours classique de la diplomatie sud/sud, il était davantage marqué par les idées de partage égalitaire, de formule gagnant-gagnant, de développement concerté, de mise en commun des ressources et des atouts, d’harmonisation des politiques économiques, de renforcement de la démocratie, de construction d’espaces libres régulés, etc. Pour les pays-membres fondateurs du Mercosur, il n’aurait pu être question de relation asymétrique et déséquilibrée entre les protagonistes présents : seules des relations égalitaires et libres fondées sur la souveraineté responsable de chacun seraient acceptées et acceptables au sein d’une telle alliance ; aucun paternalisme et aucune relation dominant/dominé ne sauraient être tolérés au sein d’une telle alliance. Malgré le poids écrasant du Brésil dans cet ensemble politico-économique, tous les accords partiels et tous les processus engagés se devaient d’être négociés entre nations libres et égalitaires : l’éthos des relations sud/sud s’organisait autour d’une volonté ferme de contrebalancer la forme relationnelle dominante qui avait caractérisé jusque-là les relations nord/sud. Et cette volonté servait d’autant plus les intérêts des pays concernés que ces mêmes pays ne pouvaient prétendre seuls parvenir à faire contrepoids aussi bien à la toute-puissance des États-Unis qu’à la puissance industrielle et commerciale de la Chine et de l’Union Européenne.

Mais l’avènement d’un axe sud/sud venant se superposer à la réalité de l’axe nord/sud devait rapidement devoir composer avec l’émergence d’une nouvelle phase structurelle et structurante dans l’exercice du Diplomatique au sein de la zone Amérique : soit la consolidation d’un nouvel axe que l’on pourrait qualifier d’axe internationalisme/multilatéralisme. Autour des années 2000, pour se donner un point de repère très souple, les pays de la zone Amérique vont devoir affronter plusieurs nouveaux défis associés aux transformations profondes affectant durablement l’ordre mondial existant et ce, à tous les niveaux : économique, politique, culturel, technologique, institutionnel. Après les années 2000, la donne se transforme de manière vertigineuse sur tous les plans de la réalité sociale, politique et économique … forçant au cœur même de toutes les sociétés engagées dans ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la mondialisation/globalisation des mutations internes significatives voire radicales.

          L’axe internationalisme/multilatéralisme met en scène des nations souveraines et matures, libres mais responsables de leur destinée : des nations fortes désireuses de s’inscrire assidûment et de prendre la place qui leur revient dans le nouvel ordre international en gestation. Mais s’agissant également d’un nouvel ordre international qui induit une compétition plus féroce que jamais entre les nations et les strates sociales de ces mêmes nations – un nouvel ordre mondial au sein duquel tous ceux qui ne peuvent pas relever le défi d’une concurrence acharnée et impitoyable se voient rapidement relégués dans les affres de la misère, de l’oubli, de la dépendance, de l’infériorité ontologique … se voient rapidement déclassés et qualifiés d’archaïque, de dépassé, d’indiscipliné, d’oisif et d’improductif. Un nouvel ordre international qui se caractérise par la fin de la position incoercible et inexpugnable qu’occupait les États-Unis dans le système international, position hégémonique de plus en plus contestée non seulement par la Chine aux plus hauts niveaux, mais également par plusieurs pays et plusieurs blocs au sein d’ensembles de plus en plus diversifiés – dans un monde devenu sur tous les plans multidimensionnel et multipolaire. Même si c’est avec des outils et des atouts forts différents que les pays de la zone Amérique ont dû plonger dans cette aventure très périlleuse d’une mondialisation souvent sauvage et balayant tout sur son passage.

La mondialisation invite toutes les nations à se doter d’une activité diplomatique s’assimilant la totalité des champs du Réel : une diplomatie surdimensionnée qui étend à l’infini le champ des possibles entre nations souveraines. Un monde multilatéral et multipolaire où rien n’échappe par principe à l’empire du Diplomatique : offrir de l’aide en fonction de considérations futures ; consentir à des prêts dans le but de raffermir les liens existants ; construire des routes ou des hôpitaux dans l’espoir d’ouvrir et de conquérir les marchés nationaux ; installer sur le sol de son partenaire une base militaire dans le but de sceller une alliance stratégique dans le domaine de la défense ; procéder à un échange de bourses et d’étudiants dans le but de rapprocher les peuples et les cultures ; ouvrir des canaux médiatiques dans le but de faire tomber des barrières culturelles et des préjugés ; acheter des technologies à des pays tiers dans l’intention de mieux intégrer certains secteurs d’activité … Des initiatives et des échanges qui se préparent, se programment et se peaufinent ensemble, de longue date, entre partenaires égaux, au travers d’une action diplomatique constante, continue, persistante, insistante, créative, innovatrice, résolue, déterminée, productive.

À mesure que s’approfondissait le processus irréversible de mondialisation, toutes les nations des Caraïbes, d’Amérique centrale et d’Amérique du sud ont dû s’adapter à la nouvelle réalité globale existante :

– Coté économique : apprendre à transiger avec un grand nombre d’acteurs différents et diversifier aussi bien ses sources d’approvisionnement que ses acheteurs réguliers ; créer des partenariats stratégiques dans de moultes domaines d’activité ; développer des montages financiers originaux et élargis afin de propulser l’activité économique du pays ; élaborer les cadres politiques et juridiques nécessaires aux nouvelles formes d’activité économique ; se doter des capacités technologiques et logistiques capables de moderniser et d’accroître la productivité des unités de production ; s’assimiler les transferts de technologie permettant d’atteindre les niveaux de performance nécessaires eu égard aux standards internationaux et aux impératifs de la concurrence. 

– Coté politique : devoir moderniser à tous les niveaux l’appareil d’État et ses différents dispositifs spécialisés tout en se dotant des expertises nécessaires pour faire fonctionner une société moderne (agriculture, grands travaux publics, ponts et chaussées, sécurité, etc.) ; créer les espaces/temps sociaux et juridiques susceptibles de favoriser la productivité générale et assurer les communications nécessaires entre ces entités (universités, instituts de recherche, entreprises privées et para publiques, etc.) ; garantir les droits et libertés nécessaires à la stimulation dynamique des intérêts, des orientations et des ambitions légitimes au sein de la société civile ; asseoir l’encadrement légal et juridique positif et universel sans lequel ne peuvent s’articuler et ne peut s’opérer la synthèse dynamique des forces sectorielles en présence dans la société.

– Coté diplomatique : élargir le spectre des possibles physiques et métaphysiques afin d’ouvrir sur la totalité de l’Être du Diplomatique (le diplomatique rejoint en définitive la totalité des dimensions du faire et de l’être) ; se doter de tous les outils logistiques et stratégiques nécessaires à l’obtention d’un haut niveau de performance (diplomatique) ; se rendre maître dans l’art de maîtriser toutes les formes et les modalités de l’activité diplomatique afin d’accroître la qualité performative de ses interventions et initiatives diplomatiques ; élargir et diversifier ses réseaux de contact et d’amitié afin de pouvoir intervenir de toutes les façons possibles, dans tous les contextes possibles et auprès de tous les acteurs engagés dans l’aventure diplomatique ; modifier sa perspective fondamentale sur la valeur de l’activité diplomatique afin de bien saisir qu’il n’y a pas de résolution politique forte des problématiques nous liant aux autres nations sans une action diplomatique experte, adéquate, appropriée, déterminée, calibrée, éclairée. 

– Coté social et culturel : comprendre les mutations culturelles profondes et continuelles qui se jouent au cœur de sociétés ouvertes comme les nôtres et apprendre à canaliser/baliser adéquatement les bouleversements collectifs induits par ces mutations culturelles ; se donner les institutions culturelles capables de mieux gérer/encadrer les modes et les modèles socio-culturels et psycho-sociologiques qui influent sur les attitudes et les comportements des différentes couches de nos sociétés contemporaines ; s’adapter collectivement aux nouvelles normes, conventions et pratiques sociales venues de partout et qui lorsqu’elles s’imposent dans une société, modifient parfois de manière catégorique les habitudes, les normes, les valeurs, les comportements et les pratiques acceptées et acceptables en société (dans le rapport à l’environnement, dans les relations humaines, dans le rapport à la technologie, dans le rapport à l’esthétique et à la créativité artistique, etc.).

Quant au discours classique propre à cette nouvelle phase et au-delà de cette projection de facture internationaliste et multilatéraliste, il s’est surtout agi d’un discours impérativement centré autour d’un certain nombre de thèmes d’époque comme la création/fabrication nationale de réalisations techniques de haut niveau, comme la reconnaissance pleine et entière de la nation concernée sur la scène internationale, comme la participation active au sein de toutes les grands organismes d’ordre et de régulation dans le monde, comme la diffusion à l’échelle planétaire de ses essences culturelles originales, comme la déterritorialisation vers de vastes zones économiques de services endogènes exotiques, comme le passage d’un État/Grandes Missions et Fonctions à un État post moderne ou État Co-Entrepreneur et Moteur à l’exportation, comme la diversification des formes d’institutions financières existantes sur le sol national, comme la multiplication des formules entrepreneuriales de type «joint venture» …

Mais les choses évoluent à vitesse «grand V» et les conditions de possibilité existent désormais afin qu’émergent des formes inédites de diplomatie au cœur même de la zone Amérique – les temps sont mûrs pour l’émergence d’un nouvel axe relationnel entre les nations concernées :l’axe de l’intégration ontologique des États-Nations. Tout se passe comme si l’avènement d’une ère nouvelle semblait se poindre à l’horizon : une phase de dissolution partielle des États-Nations et de re fusionnement ontogénétique d’ensembles démographiques élargis. L’épopée des États-Nations, malgré la montée en puissance vertigineuse de la Chine, laisse présager l’avènement d’un monde où de plus en plus d’États souverains officiellement reconnus ne pourront plus continuer à se développer et à survivre décemment s’ils ne s’intègrent pas définitivement et dans leur être même dans des entités politiques et culturelles plus vastes : se fondre dans des entités plus larges afin d’acquérir les leviers et les ressorts nécessaires au maintien d’un niveau de vie et de développement appréciable.

Un procès de reformulation/reconfiguration en profondeur de notre univers actuel qui se fera (et qui se fait déjà) par le biais d’une série de processus et de mécanismes dont on peut entrevoir d’ores et déjà les termes – termes qui iront en s’approfondissant et en s’intensifiant au cours de la prochaine décennie. Essayons de mieux cerner certains des processus diplomatiques qui participeront à cette refonte ontique générale des États-Nations internationalement reconnus comme : l’intégration synthétique, à un niveau supérieur, d’identités nationales composites mais fortement enchâssées dans la mondialisation/globalisation ; l’arrimage métaphysique et le désenclavement (local/régional) d’entités ethnoculturelles traversant plusieurs frontières étatiques officielles ; l’assimilation volontaire, de la part d’entités politiques peu puissantes, au sein d’entités beaucoup plus puissantes garantes de leur prospérité et de leur relative souveraineté …

Dans le premier cas de figure, il s’agirait d’une volonté politique, à terme, de faire coïncider l’Être même du Diplomatique pour les deux pays concernés. L’approfondissement des processus associés à la mondialisation pourrait pousser deux pays souverains à considérer que le meilleur moyen pour chacun de s’assurer un avenir viable serait de fusionner progressivement avec cet autre pays proche  (souvent un territoire adjacent) dont on croit la destinée intimement liée : on pourrait penser à des pays comme la France et l’Allemagne ou encore, dans les Amériques, à des pays comme le Canada et les États-Unis, le Chili et l’Argentine, le Pérou et la Bolivie, et même à plusieurs pays d’Amérique centrale. 

En effet si l’on considère les impératifs nouveaux associés à l’approfondissement de la mondialisation – comme la nécessité d’élargir son marché intérieur afin de concurrencer les géants mondiaux, comme le besoin d’amortir les coûts en recherche/développement en s’assimilant un plus grand réseau d’universités, d’instituts spécialisés et de centres de recherche, comme l’exigence d’intégrer des ensembles de populations plus vastes afin de compenser la baisse démographique endogène, comme la nécessité de s’insérer dans un complexe étatique élargi afin de se doter d’une plus grande autonomie de défense, comme l’obligation de contrebalancer des pôles de développement très influents dans le monde – on peut alors comprendre la nécessité et même l’urgence, pour de nombreux «groupes d’États», à procéder le plus rapidement possible à une synthèse dynamique des souverainetés nationales officiellement reconnues (quitte à revendiquer, à terme, un redécoupage des frontières nationales).

En Europe, le cas de la France et de l’Allemagne est même évident : les ennemis héréditaires d’hier partagent aujourd’hui un sort commun. En déclenchant un processus de synthèse métaphysique des deux souverainetés, la France et l’Allemagne multiplient ainsi les chances respectives des deux pays de faire face aux nouveaux impératifs catégoriques sécrétés par la mondialisation galopante : création d’une force de défense commune, élargissement du nouveau marché intérieur ainsi émergé, création d’une puissance productive et technologique impressionnante par la jonction accélérée des centres de recherche, des instituts spécialisés, des entreprises publiques et des entreprises privées, endiguement du phénomène de vieillissement des populations locales et nationales (surtout allemandes), accroissement du pouvoir d’attraction eu égard aux pays limitrophes, etc.

Au niveau des Amériques, on peut immédiatement penser au cas du Canada et des États-Unis. Pendant longtemps, l’idée même d’une plus grande fusion ontologique entre ces deux pays n’aurait même pas affleuré l’esprit des deux protagonistes engagés. Mais avec l’accélération grand V du phénomène de la globalisation, la pression sur les deux entités politiques concernées risque de s’avérer si insistante et si déterminante que l’assimilation ontogénétique des deux pays pourrait en partie contrebalancer la pression à tous les niveaux provenant entre autres du pôle asiatique de développement et croissance. Si l’on considère la très forte intégration économique et culturelle qui existe déjà entre les deux nations, on ne voit pas très bien les problèmes que pourrait entraîner une intégration politique plus poussée des deux souverainetés existantes. Au contraire, une telle synthèse beaucoup plus achevée assurerait aux deux pays une puissance à tous les niveaux passablement plus décisive et tranchante – là encore pour faire contrepoids aux grands blocs de développement existants (Chine, Asie, Communauté Européenne, etc.). Le dossier toujours non réglé de la dirigeante de Huawei (Meng Wanzhou) a mis en lumière tout l’intérêt pour le Canada (mais aussi dans d’autres dossiers pour les États-Unis) de s’assimiler une plus grande puissance ontologique afin d’empêcher un pays comme la Chine de soumettre le Canada à son diktat. Des pays comme les États-Unis et le Mexique devront peut-être un jour envisager le fait d’une telle fusion métaphysique.

On peut aussi penser, ici, à des pays comme l’Argentine et le Chili, comme le Pérou et la Bolivie ou encore comme la Colombie et le Venezuela (la même logique s’applique évidemment aux divers pays d’Amérique centrale). S’agissant de pays qui auraient d’ores et déjà intérêt à se regrouper et même à procéder à une synthèse structurelle de leur constitution politique respective – dans le but de créer des entités politiques plus solides et plus étendues. Il faut en effet saisir avec lucidité l’ampleur des métamorphoses qui se profilent à l’horizon : soit la pertinence des vieilles frontières nationales issues de la colonisation d’abord puis de la reconnaissance plénière de la souveraineté d’États-Nations façonnés par l’histoire (parallèlement à la création de la Société des Nations puis de l’Organisation des Nations Unies). De telles fusions auraient évidemment pour effet d’engendrer des entités politiques majorées capables de mieux faire face aux impératifs catégoriques générés par la mondialisation : marchés intérieurs stimulants, coûts inhérents au processus «recherche et développement» dans un grand nombre de secteurs d’activité, amortissement/rentabilisation et construction soutenue d’équipements et de dispositifs collectifs à haute performativité, atteinte d’une productivité globale assurant le déploiement viable des services publics et la réalisation des grandes fonctions étatiques (éducation, santé, etc.), amélioration du poids démographique, politique et diplomatique auquel on peut espérer …

Des fusions constitutionnelles beaucoup plus prononcées entre les pays ci-mentionnés renforcerait l’autonomie métaphysique de tous ces pays lorsque question : de se protéger contre les jeux d’influence et de modélisation venus de l’extérieur et qui peuvent réduire à néant la souveraineté des deux pays ; de se protéger contre l’invasion agressive de ses marchés intérieurs – même les plus sensibles et stratégiques ; de se prémunir contre l’importation de technologies très pointues et très sophistiquées par rapport auxquelles la société d’accueil n’a aucune prise – des technologies qui bouleversent les équilibres intérieurs et que la société d’accueil ne possède pas les moyens de maîtriser ; de se prémunir contre les crises sanitaires émanées de sociétés différentes de la société d’accueil et que cette dernière ne saurait assimiler à court terme (équipements collectifs de nature différente, expertises de haut niveau inexistantes, etc.) ; de se protéger contre le transfert de méthodes, de catégories et de modèles d’organisation qui à tous les niveaux du corps social pourraient rompre les équilibres sociaux et psychosociaux de longue date construits ; de se prémunir contre la fixation et l’imposition de normes et de standards en vigueur dans d’autres États ou d’autres regroupements économiques et auxquels le pays hôte ne peut pas répondre adéquatement ; de se prémunir contre un contrôle abusif des ondes et des espaces médiatiques par des Géants de la communication ou encore contre l’envahissement massif de l’espace culturel intérieur par des modèles étrangers … Évidemment on aura compris que seule une véritable fusion ontologique de tous les pays d’Amérique latine, par exemple, saurait conférer au nouvel ensemble politique ainsi engendré une authentique souveraineté métaphysique, métapsychologique et méta sociologique à tous les niveaux.  

Faut-il finalement souligner jusqu’à quel point le fusion ontologique entre deux souverainetés politiques ouvrent la voie à un élargissement créatif sans limites des possibles diplomatiques entre pays et nations : où le Diplomatique se fond désormais dans une fusion ontogénétique sans termes assignables où viennent se dissoudre entièrement les deux composantes sociopolitiques de la sorte «remixées». Si le rapprochement franco-allemand permettait déjà à des milliers de chercheurs, par exemple, de travailler en permanence dans le pays voisin, on voit déjà poindre à l’horizon des initiatives diplomatiques à valeur intégrative encore plus puissantes : sous peu, en effet, les régions d’Alsace en France et de Baden Württemberg en Allemagne vont servir de laboratoire à une fusion beaucoup plus poussée des deux souverainetés impliquées. En effet une partie importante des contingents d’étudiants vivant dans les deux régions vont évoluer académiquement dans un nouvel espace/temps éducatif quasi entièrement homogénéisé avec apprentissage des mêmes programmes scolaires, apprentissage obligatoire de l’anglais, du français et de l’allemand, intégration structurelle et organisée au même principe de réalité globale partagée. Avec volonté plus ou moins avouée et avouable de se fondre un jour, pour tous les protagonistes engagés, dans une même entité politico culturelle supra nationale – dans une même Intégrale Hiératique supra nationale.

Dans la diplomatique traditionnelle, il s’agissait de partir de soi (État-Nation de départ), de transiter via l’Autre (autre Nation engagée) et de revenir sur Soi : un même Soi mais bonifié et enrichi. Désormais, il s’agit de partir de soi, de se fondre «en» l’Autre afin de se retrouver en bout de parcours dans un Entre-Soi très dense et de nature qualitative inédite – processus par lequel les deux identités différentielles/souveraines investies au départ se redoublent désormais dans un Nouveau-Soi Unifié. Parti de l’altérité, nous nous retrouvons en bout de parcours au cœur du Même, soit un Nouveau-Soi délesté des contradictions habituellement inhérentes aux tentatives d’assimilation superficielle des différences : ici les différences ne disparaissent pas mais elles s’intègrent sans discontinuité et sans coup férir dans une nouvelle entité politico-culturo-spirituelle. Une tangente diplomatique originale qui exige un degré de confiance inouï ainsi qu’une acceptation totale de l’être de l’autre en son être propre.

Dans le deuxième cas de figure, il s’agirait de l’arrimage métaphysique et du désenclavement (local/régional) d’entités ethnoculturelles traversant plusieurs frontières étatiques officielles : on pourrait référer ici à des groupes ethno culturels comme les Kurdes ou encore à l’ensemble des populations indigènes (amérindiennes) résidant sur le continent sud-américain par exemple. Le nouveau principe de réalité engendré par la mondialisation pourrait facilement pousser un ensemble de populations culturellement apparentées évoluant le long de souverainetés politiques consacrées de s’associer à tous les niveaux – sans nécessairement remettre en question les frontières politiques officielles –afin de se doter d’une puissance ontologique (densité d’être), sociologique et stratégique inédite et ainsi de s’affirmer collectivement en se désenclavant de leurs attaches nationales traditionnelles. L’idée ici est de s’unir sous l’égide d’un sort commun, d’une histoire partagée, d’une appartenance culturelle avérée et d’une condition matérielle partagée afin de se donner les leviers nécessaires indispensables pour pousser plus avant son émancipation.

En effet une telle synthèse dynamique entre des groupes ethniques partageant la même histoire et de surcroît possédant une certaine homogénéité culturelle et ethnique (traditions païennes, sécularisation forcée, etc.) pourrait assurer à ces groupes une véritable promotion culturelle multidimensionnelle ainsi qu’une autonomie métaphysique beaucoup plus robuste face au processus de mondialisation. Il s’agirait en même temps d’aller chercher à l’international les reconnaissances qui parfois ne sont pas au rendez-vous à l’interne et donc à forcer les gouvernes politiques nationales à une meilleure intégration globale de ces populations dans les réalités intérieures de ces pays et ce, à tous les niveaux. Face au poids de la mondialisation, cela permettrait aux groupes concernés de se présenter unis et donc de mieux contrôler/maîtriser les conséquences inévitables de la mondialisation (harmoniser collectivement les transferts multifactoriels innervant les espaces culturels dessinés par les groupes ethno culturels désignés). Finalement, cela permettrait de mieux préparer l’ensemble de ces populations «vulnérables» aux exigences incontournables de la mondialisation en cours : coté éducation surtout, l’impératif de formation continue dans plusieurs domaines faisant dorénavant figure de nécessité absolue pour la survie des peuples.

Un tel arrimage des forces physiques et métaphysiques disponibles, pour des groupes ethnoculturels traditionnellement fragmentés et dispersés, permettraient de compenser en partie les «humiliations et les déclassements» éprouvés au cours des décennies précédentes – tout en se dotant d’un noyau/condensé ontologique à haute densité capable de mieux affronter les exigences sévères de la mondialisation actuelle. Les outils technologiques d’aujourd’hui peuvent très bien permettre à des entités ethnoculturelles non souveraines sur le plan politique d’évoluer et de se développer sans devoir passer par l’étape du droit souverain des peuples à disposer d’eux-mêmes : mais un développement socio-économique viable possible que dans le cadre d’un regroupement d’États souverains constitués assez «démocratiques» pour laisser libre cours à un tel assemblage harmonieux. Et c’est là que s’ouvre un nouvel espace/temps d’existence et d’intervention pour le Diplomatique.

En effet et on peut le voir déjà avec le jeu de la diplomatie palestinienne (malgré les nuances qui s’imposent), le défi pour tous les groupes d’appartenance qui chercheront demain à parfaire leur unité perdue afin de mieux s’aventurer dans la mondialisation … sera d’inventer une forme originale de diplomatie en marge de celle des États Souverains Constitués. Il s’agit vraiment de l’ouverture d’un nouvel espace/temps pour le Diplomatique dans la mesure où  a) les acteurs créateurs de cette diplomatie ne sont pas mandatés par des États souverains  b) ces acteurs n’ont souvent pas les ambassades, les statuts, les droits et les ressources qu’octroient habituellement à leurs représentants officiels les États souverains  c) ces acteurs, autorisés d’une façon ou d’une autre par les groupes ethnoculturels désignés, devront inventer les cadres symboliques et normatifs associés à la nouvelle forme de diplomatie qu’ils entendent pratiquer  d) ces acteurs devront conquérir les appuis et les reconnaissances nécessaires à la mise en œuvre d’une diplomatie vivante et performante  e) ces acteurs devront par un travail acharné et subtil contracter les alliances et se forger les réseaux stratégiques capables de conférer poids et substance aux initiatives diplomatiques qu’ils désirent matérialiser  f) ces acteurs et ces entités ethnoculturelles en quête d’unification devront surmonter les formes de résistance et de méfiance qui nécessairement viendront réduire la puissance performative de leurs interventions et initiatives – résistances provenant aussi bien des États souverains qui les hébergent que des États souverains avec lesquels ils cherchent à nouer des liens significatifs.

Dans le troisième cas de figure, on pourrait penser à l’assimilation volontaire, de la part d’entités politiques peu puissantes, au sein d’entités beaucoup plus vastes et plus puissantes de la sorte garantes de leur prospérité et de leur  souveraineté de la sorte «mise en veilleuse» (disons plutôt un renoncement relatif mais stratégique à sa propre souveraineté). Il s’agirait de la création de quelque chose comme une forme inédite «d’incorporation» d’un petit pays par un pays plus «pesant» – une assimilation consentie et une disparition partielle là où existait auparavant un État souverain reconnu. Un État souverain qui continuerait ou non à être reconnu sur toutes les tribunes internationales mais qui s’appuierait de manière décisive et définitive sur un État/Frère beaucoup plus puissant afin d’assurer aussi bien sa sécurité et sa stabilité que sa prospérité. Une formule qui pourrait faire l’affaire des deux protagonistes et qui servirait l’intérêt des deux entités sociologiques concernées dans certains cas de figure seulement : non pas le fait d’une fusion ontogénétique consentie par deux nations souveraines et égales mais plutôt le fait d’une absorption d’un plus petit par un plus puissant mais dans le cadre d’une sorte d’accord stratégique «pervers et tactique» (subversif par rapport aux principes du droit international actuel) entre les deux protagonistes. 

On peut ici penser à des pays comme la Paraguay et le Brésil (et l’on pourrait ajouter l’Uruguay). S’il existe un découpage géo territorial qui ne repose sur aucune base autre que les accords passés entre les vieilles familles de propriétaires terriens, les bourgeoises locales et quelques familles politiques politiquement prédatrices, c’est bien le cas de la construction d’un État comme le Paraguay : ceci est vrai de la genèse de tant d’États dans le monde, mais de manière caricaturale et hyperbolique dans le cas de pays comme le Paraguay. En effet et si l’avenir du Paraguay dépend déjà de son intégration marquée dans l’économie Brésilienne et de la protection patrimoniale que ce même Brésil garantit au Paraguay, une intégration beaucoup plus poussée à tous les niveaux (y compris la fusion des souverainetés politiques) aurait pour conséquence de renforcer la puissance relative des deux pays dans le monde. Les menaces coté défense n’apparaissent pas vraiment probantes dans un avenir rapproché mais l’envahissement des deux pays par la mondialisation lorsque question d’économie, de culture et d’autonomie politique n’annonce pas un futur facile pour le diptyque Brésil/Paraguay. 

 

     Une fusion ontogénétique plus marquée renforcerait l’autonomie métaphysique d’un petit pays comme le Paraguay lorsque question de se protéger contre les pressions politiques, contre les vecteurs de pénétration économique agressive ou encore contre les jeux d’influence et de modélisation pouvant désormais réduire à néant la souveraineté de la plupart des pays dans le monde (marchés locaux submergés par l’arrivée massive de produits étrangers, délocalisation du travail autochtone, perte de contrôle sur la circulation des capitaux et des profits, fixation extérieure et imposition forcée des normes et des standards en vigueur dans tous les secteurs d’activité, perte totale de contrôle des ondes et des espaces médiatiques ,soumission inconditionnelle aux modèles culturels envahissants venus de l’extérieur, etc.). Évidemment on aura compris que seule une véritable fusion ontologique de tous les pays d’Amérique latine, par exemple, saurait conférer au nouvel ensemble politique ainsi engendré une authentique souveraineté métaphysique et méta-constitutionnelle pour les pays concernés.

On pourrait également songer à d’autres jumelages comme l’intégration du Bélize dans le Mexique ; ou encore l’incorporation «en» le Mexique du Guatemala (du Guatemala et du Bélize) dans une nouvelle entité politique élargie. Une entreprise qui confèrerait aux deux ou même aux trois pays engagés dans l’aventure une plus grande autonomie politique. Mais ce serait évidemment pour le Bélize et le Guatemala une occasion de verrouiller (tout en la diluant dans la nouvelle entité engendrée) leur souveraineté beaucoup trop fragile pour affronter l’irrésistible pression multidimensionnelle émanant de la globalisation actuelle. Une plus grande autonomie obtenue par «procuration» mais qui pourrait permettre à des pays comme le Guatemala de renforcer ses marges de manœuvre dans des domaines aussi divers que la stabilité de sa monnaie, la maîtrise de ses écosystèmes menacés, un meilleur contrôle relativement à l’exploitation de ses richesses naturelles, une protection accrue de ses petites entreprises familiales et artisanales, etc.

On pourrait finalement penser au couplage de pays comme les États-Unis et le Panama : compte tenu de la réalité géographique et géopolitique exceptionnelle de ce pays. Et même si d’autres pays envisagent la construction d’une passerelle entre l’océan atlantique et pacifique, la position naturelle privilégiée du Panama pourrait amener ce pays à subir des pressions internationales indues et insoutenables dans un horizon pas si lointain. Il n’est pas illogique d’envisager qu’un pays comme le Panama décide de se placer sous une forme de «protectorat» et de s’incorporer à un État très puissant comme les États-Unis afin de se soustraire aux multiples pressions externes dont ce pays pourrait faire l’objet dans un futur incertain : s’intégrer dans un complexe politique implacablement souverain pour se prémunir contre la prédation extérieure. Étant donné le fait que le commerce cherchant à se frayer un passage entre les deux océans commence déjà à devenir trop important pour les capacités du Panama, ce même pays pourrait se laisser absorber par un pays comme les États-Unis en contrepartie d’une priorisation du commerce américain ou nord-américain – laissant au prochain canal construit le soin de faire transiter en priorité des marchandises provenant d’autres souverainetés hégémoniques (Chine).

À nouveau dans ce contexte s’ouvrirait pour le Diplomatique un espace/temps inédit de création et d’innovation : une stratégie de confiance absolue et de rapprochement profond qui accorderait au petit pays en voie d’incorporation le statut de «(quasi)province» au sein du nouvel État ainsi constitué. Il n’y aurait ainsi plus de limites aux domaines d’activité sur lesquels pourrait porter le Diplomatique : multiplier les expériences d’intégration dans le domaine de l’éducation ; procéder à une fusion progressive des modèles d’organisation, des catégories d’aperception, des grilles de caractérisation et des critères de référence en vigueur dans les deux pays et ce, dans tous les pans de la réalité sociale : en éducation, en santé, en matière de normes économiques, en matière de gestion des populations et des familles, en ré éducation et en travail social, dans les domaines de l’administration et de la gestion, en matière d’urbanisme et d’architecture, dans les domaines de l’organisation et des pratiques de transport, en termes de développement des équipements collectifs et des infrastructures, dans les  domaines de l’agriculture patrimoniale, de l’agrobusiness et de l’agriculture urbaine et écologique, dans la gestion et l’exploitation des ressources naturelles … Où l’Être du Diplomatique de chacune des deux entités originellement souveraines se fond dans une entité supérieure unifié – dans un Être Socio/Politique inédit créateur et générateur d’une Réalité Culturelle qui n’existait pas auparavant. 

Car dans ce nouvel espace Socio/Politique global, il ne sera pas seulement possible de fusionner les normes, les modèles et les façons de faire existants sur les deux territoires : il sera également possible et même souhaitable de créer et d’inventer une Société plus forte, plus résistante, mieux accomplie et spirituellement plus harmonieuse. Les anciens Diplomates d’hier deviendront dans ce genre de laboratoire les nouveaux acteurs de l’intégration ontogénétique avancée des deux nations signataires de l’accord – les ouvriers diplomatiques de la nouvelle Entité Métaphysique et Culturelle en gestation. Pour qui demeure visionnaire d’un monde futur enfin réconcilié avec lui-même … «Imagine» un monde où il n’y a plus de nations différentes mais une seule humanité pacifiée : un monde où disparaît la fonction de diplomate mais où tous et chacun deviendront des diplomates en puissance – les bâtisseurs de ce monde meilleur à venir. 




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